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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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aventura il y a quelques années, et que personne n’en revint. »
    Les paroles de l’interprète plongèrent une nouvelle fois le campement dans l’effroi.
    « Je n’ai jamais dit que ce serait une promenade de santé, rétorqua Xéno. J’ai dit que nous n’avons pas le choix. Mais si quelqu’un a une meilleure idée, qu’il se fasse connaître et parle. »
    Le silence s’abattit sur les hommes, et l’on put entendre clairement les cris des chacals et des oiseaux de nuit.
    Sophos prit la parole :
    « Soldats ! Vous avez bien entendu, nous n’avons pas le choix. Nous nous dirigerons donc vers le nord. Nous affronterons les épreuves qui nous attendent : nous escaladerons les montagnes en remontant le cours des fleuves, nous occuperons les cols avec des détachements rapides, et ce jusqu’à ce que le dernier d’entre nous soit passé. Personne ne sera abandonné, ni les malades ni les blessés, chacun sera secouru et aidé.
    « Nous nous procurerons en cours de route ce dont nous aurons besoin, des vivres, ainsi que des couvertures et des manteaux pour nous protéger du froid. Si l’on nous attaque, nous répondrons, et notre agresseur regrettera de nous avoir provoqués. Soldats, nous sommes au nombre de dix mille ! Bien que trois fois plus importante, l’armée du Grand Roi ne nous a pas soumis, et ce ne seront donc pas les tribus sauvages des montagnes qui nous arrêteront !
    « Je me nomme Cheirisophos de Sparte, et je vous demande de me confier le commandement de cette armée. Vous pourrez compter sur moi de jour comme de nuit, que le soleil brille ou qu’il neige, que vous soyez en bonne santé ou malades. Je courrai tous les risques, j’affronterai tous les dangers et toutes les menaces et, par tous les dieux du ciel et de l’enfer, je vous ramènerai chez vous, je le jure ! »
    Dans une autre situation, des cris d’enthousiasme auraient salué son discours. Or les guerriers se rendaient compte des difficultés qui les attendaient, ils savaient que bon nombre d’entre eux tomberaient, que la Chéra de mort s’employait déjà à marquer avec du noir de suif ceux qu’elle entraînerait dans l’Hadès. Quelques voix seulement s’élevèrent. Et Sophos reprit la parole :
    « Je sais ce que vous ressentez, mais je vous jure que je tiendrai mes promesses. Et maintenant, votez ! Si la majorité d’entre vous me refuse la confiance, peu importe, j’obéirai à l’homme que vous choisirez à ma place. Mais avant que commence la troisième ronde, cette armée devra avoir un général en chef, ou nous serons tous morts d’ici quelques jours. »
    Je songeai à Cléarque et à Agias, à Proxène et à Socrate. Surtout à Ménon : il m’avait relaté avec un réalisme épouvantable les tortures atroces que les Perses infligeaient et voilà qu’il se trouvait entre leurs mains. Ma gorge se serra et je vacillai. Quelle couleur avait en cet instant précis sa cape immaculée ? Et que restait-il de son corps de statue ?
    Xéno fut le premier à toucher la lance de Sophos. Agasias de Stymphale l’imita, tout comme Glous et Néon qui plongea un instant ses yeux dans les siens, puis les autres officiers et enfin les hommes en file.
    J’étais, quant à moi, incapable de regarder cette longue suite d’hommes qui élisaient leurs nouveaux chefs. Je voulais savoir ce qui était arrivé à ceux que nous avions perdus. Je le voulais aussi pour Mélissa qui était torturée par l’incertitude.
    J’ignore comment j’en trouvai le courage, mais je parvins à m’éloigner et à gagner la rive du Tigre. Je me déshabillai, nouai ma tunique autour de ma taille, plongeai dans l’eau et me laissai porter par le courant. Le fleuve brillait de mille reflets à la lumière de la lune, et l’eau était tiède. Bien vite, j’atteignis l’endroit où l’embuscade avait probablement eu lieu. Il y avait là un pavillon, une grande tente, semblable à celles qu’utilisent les nomades du désert, soutenue par des pieux et par de longs tirants. Elle était encore occupée car on voyait transparaître la lumière de quelques lampes, et des sentinelles avaient allumé un feu côté sud.
    Je rejoignis la rive et m’aplatis sur le sol afin de ne pas être vue des groupes de cavaliers perses qui étaient disséminés tout autour du pavillon, dans un vaste rayon. Je compris comment le piège avait été tendu. Il y avait sur la rive des centaines d’empreintes et des traces de boue, qui se

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