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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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dirigeaient toutes vers le pavillon. Je remarquai aussi de nombreux roseaux d’une coudée de long, abandonnés par terre. J’en saisis un et soufflai dedans : il était creux.
    L’embuscade était donc partie du fleuve ! Les attaquants s’étaient dissimulés sous l’eau, dans la végétation marécageuse, en respirant à l’aide de ces roseaux. Ils avaient jailli à l’improviste une fois que les nôtres avaient pénétré dans la tente et avaient tué les gardes du corps, sans doute par des flèches tirées de loin. Je demeurai un long moment tapie dans la boue.
    La lune déclinait quand je les vis sortir !
    On les emmenait, enchaînés l’un derrière l’autre, le premier attaché à la selle d’un officier perse. Je ne parvins pas à les reconnaître et me gardai de m’approcher, de crainte d’être découverte. J’attendis que ce cortège eut disparu pour me diriger vers le pavillon. Le sol était jonché des corps des soldats sur lesquels les Perses s’étaient acharnés, et que les chacals s’employaient maintenant à dévorer. De ces garçons qui, la veille encore, étaient pleins de vie et de courage, il ne resterait bientôt plus que les os.
    Je jetai un coup d’œil à l’intérieur de la tente. En vain : en l’absence des lampes, elle baignait dans l’obscurité.
    Je rebroussai chemin en remontant la rive et arrivai au campement avant le lever du jour.
    Sophos avait été promu au rang de général en chef par la grande majorité des guerriers. Les autres officiers tombés dans l’embuscade avaient été remplacés au cours d’un vote à main levée par Agasias de Stymphale, Timasion de Dardanos, Xanthiclès d’Achaïe et Cléanor d’Arcadie, ainsi que Xéno.
    Personne n’avait dormi, personne n’avait mangé. Ces jeunes gens n’avaient dans le corps que la volonté désespérée de survivre.

14
    Mélissa sécha ses yeux et essaya de ravaler ses larmes : « Es-tu certaine de l’avoir vu ? interrogea-t-elle.
    — Je suis certaine que c’étaient eux, malgré l’obscurité. J’en ai compté cinq, ils portaient nos tuniques militaires et j’ai reconnu aussi leur démarche.
    — Tu n’as rien entendu ? Un mot, un signal ?
    — Non, j’étais trop loin et je n’osais pas m’approcher. J’étais tapie dans la boue de la rive. Quand ils sont partis, j’ai tout vu et je sais que ce spectacle sera le cauchemar de mes nuits.
    — As-tu remarqué des marques de torture ?
    — Je te l’ai dit, il faisait noir. Le pavillon était plongé dans la pénombre.
    — Si tu m’avais avertie, je t’aurais accompagnée.
    — Cela n’aurait pas été raisonnable. Tu n’aurais peut-être pas supporté cette épreuve, et nous aurions eu toutes deux des ennuis.
    — Sois sincère, penses-tu qu’il soit encore possible que les nôtres s’en tirent ?
    — Mes pensées ont bien peu de valeur. Le destin nous a entraînées dans une série d’événements qui nous dépassent. Nous sommes comme des fétus de paille à la merci du courant. Mais si mon avis t’intéresse, je considère qu’il est peu probable qu’il y ait des survivants, à l’exception peut-être de Ménon. »
    Le visage de Mélissa s’éclaira, et je regrettai presque de lui avoir donné de l’espoir. « C’est ce que tu penses vraiment ? demanda-t-elle.
    — Oui, mais je crains que cela n’ait guère d’importance. Leur situation est désespérée. Toutefois Ménon est le plus rusé, le plus intelligent d’entre eux, il ne perd jamais son sang-froid. Il ne succombera que si les Perses le tuent sans lui laisser le temps de réfléchir, ou alors après avoir épuisé toutes les possibilités de survie. S’il existe une seule chance de se sauver, il la trouvera. En attendant, ne te tourmente pas, essaie, toi aussi, de survivre, car ce qui nous attend ne sera pas facile, surtout pour toi. »
    Mélissa baissa la tête. « Oui, sans Ménon je suis redevenue une proie. Tu sais, Abira, ce qu’a été ma vie et quels sont mes talents. Malgré tout, Ménon m’a défendue sans rien demander en échange. C’est moi qui l’ai séduit, qui l’ai prié de passer la nuit avec moi. Et il a accepté comme à contrecœur.
    — Peut-être t’aimait-il et pensait-il qu’il risquait de succomber et de te laisser seule sans protection. Il voulait que tu sois libre d’utiliser sans entraves la seule arme que tu possèdes : ta beauté. »
    Je restai auprès d’elle jusqu’à ce qu’elle

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