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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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que Nicarque d’Arcadie, le héros qui était revenu donner l’alarme en perdant ses entrailles. « Mais tu… mais je… » Inutile : il avait déjà disparu, rabaissant son casque et se transformant en un masque parmi les Dix Mille.
    C’était un miracle, pensai-je. S’il s’en était tiré, nous nous en tirerions nous aussi. « Il faut avancer, criai-je à ma compagne. Serre les dents et tiens bon, tu verras, nous y arriverons ! »
    Le ciel s’éclaircit et je compris enfin ce qui se produisait en tête de la colonne. Les Cardouques occupaient le col, ils étaient alignés en bon nombre sur un mamelon. Ils étaient armés d’arcs énormes, si grands que nous les voyions de loin, et avaient accumulé de grosses pierres qu’ils comptaient projeter sur nous.
    La colonne s’immobilisa.
    Aussitôt après, je vis Xéno passer à cheval et rejoindre Sophos. Je n’avais aucun mal à imaginer ce qu’ils se disaient. Le premier : « Avez-vous perdu la tête ? Vous nous avez distancés sans rien nous dire, alors que nous étions sans cesse attaqués ! » Et le second : « Jette un coup d’œil là-haut. J’essayais d’atteindre le col le premier. »
    Nous étions bloqués, et Sophos n’avait pas l’intention d’affronter un combat dans une situation d’infériorité.
    Au moins, nous pouvions reprendre haleine. La fille enceinte avait abandonné la queue du mulet et s’était assise par terre. J’attachai l’animal de tête à un arbuste et la rejoignis. Elle avait des cernes noirs et profonds, elle était pâle, maigre, à bout de souffle. Je lui montrai une cavité, dans la roche, qui était remplie d’eau de pluie.
    « Bois, puis lave-toi les mains qui sont souillées de crottin. J’ai encore de quoi manger. » Je lui donnai un bout de pain, dans lequel elle mordit voracement. Elle n’avait sans doute pas mangé depuis longtemps.
    Xéno continuait de protester : il voulait être averti en cas de danger et il était bouleversé parce qu’il avait perdu deux de ses meilleurs hommes. Le premier, Basias d’Arcadie, avait été percuté par un rocher qui avait écrasé son casque et enfoncé son crâne. Le second avait reçu une flèche qui avait transpercé son bouclier et sa cuirasse pour se planter dans son côté. C’était une de ces flèches puissantes et mortelles, à grosse pointe en forme de pyramide, que les Cardouques utilisaient.
    Surtout, il avait dû abandonner ses soldats sans sépulture. Il était croyant, et l’idée que les corps de ses hommes subiraient des offenses et des mutilations, que leurs esprits ne pourraient trouver la paix dans l’au-delà, le tourmentait. Mais cette religion ne valait que pour les Grecs : ne s’étaient-ils pas eux-mêmes acharnés horriblement sur leurs victimes dans le ravin, afin d’effrayer l’armée de Tissapherne ?
    Dans l’incertitude générale, il proposa une solution : questionner les deux prisonniers qu’il avait capturés pendant les combats d’arrière-garde, leur demander s’il existait un autre passage que les bêtes de somme seraient en mesure d’emprunter. Nous disposions de deux interprètes. L’un connaissait le perse et le cardouque, l’autre le perse et le grec. J’ignorais comment l’armée se les était procurés, sans doute après la capture des généraux, une fois la décision prise de marcher vers le nord.
    Le premier prisonnier refusait de parler. Ni les menaces, ni les coups ne parvinrent à lui délier la langue. En vain, Cléanor le frappa à l’estomac et sur le dos avec la hampe de sa lance. Sophos adressa alors un signe à l’un de ses hommes qui dégaina son épée et le transperça de part en part. Le Cardouque s’effondra comme un sac vide en répandant sur le sol une mare de sang.
    Xéno fut surpris par ce geste, mais il en comprit rapidement la raison : l’autre prisonnier déclara qu’il existait un second passage praticable pour les hommes et pour les bêtes de somme.
    « As-tu autre chose à nous dire ? » interrogea Sophos. Il s’exprimait tranquillement tandis que le premier Cardouque agonisait.
    « Oui. Une hauteur domine le passage. Il faut que vous l’occupiez les premiers, sinon vous serez de nouveau pris au piège et personne ne pourra vous aider. »
    Le ciel s’était éclairci et le soleil, qui commençait à décliner, jetait sur les nuages des éclats rouge et or, et répandait dans la vallée une atmosphère de paix et de sérénité. On entendait les

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