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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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partît à l’attaque et déchaînât sur lui la réaction furibonde des Cardouques.
    Des gens durs et féroces.
    L’idée que nous quittions leur contrée ne leur suffisait pas : ils devaient nous tuer tous autant que nous étions pour nous punir d’avoir osé la fouler. Il m’arrivait de croire que cet acharnement ne répondait pas à la seule nécessité de protéger leur territoire. Mais le secret des Cardouques, si tant est qu’il existât, était jalousement gardé.
    J’ordonnai à la fille enceinte de rester à l’abri, cachai Halys derrière des plantes séculaires et cherchai un endroit d’où observer le cours des événements.
    Xéno gravissait la pente : je voyais son cimier blanc, agité par les rafales de vent. Le soleil avait disparu et la vallée baignait dans une lumière blême, irréelle. Les hommes le suivaient, disposés en éventail derrière leurs boucliers.
    Des nuages tempétueux, transpercés par des éclairs, s’étaient amoncelés au-dessus du col. Une pluie torrentielle se mit à tomber. Xéno cria pour couvrir le vacarme du tonnerre et conduisit ses hommes à l’assaut du col. Mais alors qu’ils grimpaient sur l’escarpement, un bruit encore plus menaçant retentit. La montagne parut se désagréger de l’intérieur.
    Une avalanche de blocs dévala la pente. Ils s’entrechoquaient, heurtaient les rochers, se brisaient en projetant des éclats de toutes parts. Xéno hurla encore plus fort et ses hommes se blottirent sous un éperon rocheux.
    Ceux qui ne purent l’atteindre à temps s’aplatirent sur le sol en se couvrant de leurs boucliers.
    Le tonnerre grondait, et les éclairs projetaient sur les armures mouillées des reflets enflammés.
    Je devinai qu’il y avait un obstacle entre les nôtres et les Cardouques : Xéno s’était arrêté, il essayait de passer tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, en vain. À chaque tentative, les ennemis roulaient leurs pierres, qui en entraînaient d’autres dans leur chute, tandis que la pluie cinglait les flancs de la montagne et emportait les éclats. C’était un spectacle terrible, que les éclairs rendaient encore plus effrayant. La foudre toucha un arbre colossal, qui s’abattit et s’incendia aussitôt comme une torche, répandant une lumière vermeille sur toute la vallée.
    Xéno attendit que la force du feu se fût atténuée et repartit à l’attaque, s’employant à occuper les indigènes jusqu’à la nuit. Il regagna alors le campement, parce qu’on n’y voyait plus et que ses hommes étaient épuisés. Nombre d’entre eux n’avaient même pas déjeuné.
    Le cœur serré, je les regardai descendre. Couverts de boue, parfois de sang, certains s’appuyaient sur leurs compagnons en comprimant leurs blessures : leurs yeux avaient une expression qu’il est difficile de décrire, mais impossible d’oublier.
    Xéno arriva le dernier et se présenta à Sophos auprès de qui il s’enquit du contingent.
    À l’heure qu’il était, Agasias et les siens avaient dû atteindre leur destination et prendre la colline d’où l’on pouvait contrôler le second passage, ce qui permettrait sans doute d’échapper le lendemain au piège des Cardouques. J’observais la fille enceinte en pensant que ce serait peut-être sa dernière étape. En effet, il nous faudrait marcher du même pas que les hommes, affronter les avalanches de pierres et les jets de flèches mortelles. Les nôtres avaient rapporté quelques-uns de ces dards : d’une longueur de deux coudées, ils évoquaient des javelots et étaient redoutables une fois lancés de haut.
    Il existait une solution, qui m’obligerait toutefois à agir par surprise et, peut-être, à utiliser la force, même si ce mot me faisait sourire. Xéno sortit pour assister à une réunion. Je m’occupai alors de la fille enceinte, lui donnai des couvertures et un peu de nourriture.
    « Comment t’appelles-tu ? lui demandai-je, me rendant compte que je ne connaissais pas son nom.
    — Lystra.
    — Un drôle de nom. D’où vient-il ?
    — Je l’ignore. Mon maître m’a toujours appelée ainsi. »
    Son grec était pire que le mien, il mêlait plusieurs dialectes et plusieurs jargons.
    « D’où viens-tu ?
    — Je ne sais pas. J’étais très jeune quand il m’a achetée.
    — Tu ne connais donc pas ton âge.
    — Non.
    — Sais-tu quand ton enfant doit naître ?
    — Non. De toute façon, ça ne change pas grand-chose. »
    Il m’était

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