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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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jusqu’à ce qu’il n’y eût plus parmi nous le moindre survivant.
    De fait, il y eut une troisième attaque, puis une quatrième. Les Cardouques jaillissaient du néant et lançaient des nuées de dards qui sifflaient et s’abattaient sur nous en une grêle funeste, tout comme des pierres en quantité.
    De temps à autre, je tournais le regard vers Lystra et la trouvais de plus en plus fatiguée. Je lui criais : « Accroche-toi à la queue du mulet ! » Mais peut-être avait-elle pris peur en voyant les animaux, effrayés par ce vacarme, faire des écarts et se cabrer. Au fur et à mesure que Xéno enlevait une hauteur, il y établissait une garnison et allait occuper la suivante. Si nous ne parvenions pas à rejoindre les autres, nous serions abandonnées ou tuées.
    Xéno déclencha peu après sa troisième attaque et chassa les ennemis d’un mamelon : la conclusion de nos efforts semblait désormais à portée de main. Au même moment, deux guerriers arrivèrent en courant. Les entendant crier, Xéno rebroussa chemin. « Que se passe-t-il ? hurla-t-il de loin.
    — Les ennemis ont repris la première hauteur, répondirent-ils, à bout de souffle. Ils étaient des milliers, nous avons perdu de nombreux hommes, d’autres sont blessés. Regarde, ils sont là-haut ! »
    Xéno se tourna vers le second mamelon, d’où les Cardouques lançaient leur cri de guerre et de victoire, un hurlement strident et syncopé, semblable à celui des rapaces nocturnes.
    Il chercha du regard son ordonnance et, quand il l’eut trouvé, le siffla. « Amène-moi un interprète », lui dit-il une fois qu’il se fut approché.
    L’interprète se présenta un peu plus tard.
    « Monte sur cette hauteur, lui ordonna Xéno, dis-leur que je demande une trêve afin que chaque camp recueille les dépouilles de ses soldats. »
    Il ne renonçait jamais à ses convictions : il faisait la guerre, blessait et tuait, mais observer certaines règles et pratiquer certains rites lui permettaient de se considérer comme un être humain et non comme une bête sauvage. La pitié pour les morts comptait au nombre de ces rites. Abandonner un compagnon sans sépulture lui causait un chagrin immense et le tourmentait parfois pendant plusieurs jours.
    Les pourparlers commencèrent. Les ennemis en profitèrent pour accourir, pendant que les deux tronçons de notre armée, celui qui avait occupé le col et celui qui se hissait péniblement sur le sentier menant au mamelon, tentaient de se réunir. Soudain, les Cardouques attaquèrent en poussant des hurlements sauvages et en roulant d’énormes blocs de pierre. Je me précipitai vers la fille enceinte et l’entraînai dans le fossé qui bordait le chemin.
    « Baisse la tête ! criai-je. Baisse la tête ! »
    Un rocher toucha l’un de nos mulets et lui brisa l’épine dorsale. Je n’oublierai jamais la panique qui se lisait dans son regard alors qu’il essayait de se relever. Un guerrier lui planta d’un coup sec un javelot à la base du crâne, mettant fin à ses souffrances. La colonne reprit sa marche.
    Quand la pluie de pierres cessa, je levai la tête et vit Xéno guider la contre-attaque. Il courait comme un fou vers le sommet et hurlait : « Allez ! Allez ! » Il était extraordinaire. Il n’y avait pas de limite à son courage, et il peinait parmi ses hommes, indifférent à la nuée de dards qui martelaient le sol autour de lui.
    Puis les Cardouques déclenchèrent une nouvelle avalanche de rochers et de pierres. Xéno était sans défense : afin de se mouvoir plus rapidement, il avait laissé son bouclier sur la selle de son cheval. Une pierre énorme heurta un éperon rocheux et se brisa en quatre projectiles. Un homme en reçut un en pleine poitrine et fut catapulté vingt pas plus loin ; un autre fut touché à la cuisse gauche et mourut d’hémorragie en l’espace de quelques instants.
    La gorge serrée, je regardais le cimier blanc de Xéno ondoyer, défiant les ministres de la Mort qui tentaient de le mordre à chaque instant, tels des chiens enragés.
    Il va tomber, me disais-je en sentant le sol se dérober sous mes pieds. Il va tomber, me répétais-je chaque fois qu’un caillou effleurait son casque, qu’une flèche se plantait près de son pied, qu’une autre sifflait tout près de son cou.
    Soudain, la pointe d’un dard scintilla au soleil et je devinai sa trajectoire. Cette fois, j’en étais certaine : ma vie s’éteindrait avec celle de

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