L'Art Médiéval
d’Orient. L’Islam qui
s’était lancé, dans un élan sauvage de foi désintéressée, à la
conquête de la terre, pauvre et libre, ayant pour patrie ses tentes
et l’infini d’un rêve qu’il poursuivait au galop des chevaux, dans
le vent des burnous et la poussière soulevée, l’Islam, au cours du
Moyen Âge, fut le véritable champion de l’idée jamais atteinte dont
la recherche nous enfonce toujours plus loin dans l’avenir.
Quand Justinien avait fermé les écoles
d’Athènes et chassé de l’Empire les artistes et les savants, – vers
l’époque où Grégoire le Grand brûlait la bibliothèque palatine, –
c’est auprès du roi sassanide Chosroès qu’ils s’étaient presque
tous réfugiés. L’histoire a de magnifiques hasards. Les Arabes,
maîtres de l’Iran, y trouvaient les trésors arrachés au naufrage
qui permirent à leurs savants d’initier l’Europe nouvelle à la
pensée antique. Alors que l’ombre s’épaississait en Occident, les
Khalifes ouvraient des universités, creusaient des canaux,
traçaient des jardins, reconstituaient la géométrie, la géographie,
la médecine, créaient l’algèbre, couvraient les terres conquises de
caravansérails, de mosquées, de palais. Ce fut, sur le fond noir de
l’histoire de ces temps-là, une féerie éblouissante, un grand conte
héroïque des mille et une nuits.
Le miracle de l’esprit arabe, c’est qu’il fut
lui partout et partout domina sans rien créer par lui-même.
Anarchique et un, nomade, sans plus de frontières morales que de
frontières matérielles, il put, par cela même, à la fois s’adapter
au génie des peuples vaincus et persuader aux peuples vaincus de
s’absorber dans l’unité de son génie. Copte en Égypte, Berbère au
Moghreb, en Espagne, Persan en Perse, Indien aux Indes, il laisse
en Égypte, au Moghreb, en Espagne, en Perse, aux Indes, la race
convertie à l’Islam exprimer au gré de sa nature l’enthousiasme
nouveau qu’il a su lui communiquer. Partout où il s’est arrêté, il
est resté maître des cœurs.
Quand Abou-Bekr eut proclamé la guerre sainte
après la mort de Mahomet, les premiers conquérants de la Syrie et
de l’Égypte installèrent leur rêve immobile dans les églises
byzantines ou coptes qu’ils rencontraient sur leur chemin. La
consécration primitive de l’édifice ne leur importait pas beaucoup.
Ils étaient partout chez eux. Ils recouvraient les mosaïques et les
fresques d’une couche de peinture, creusaient un mihrab dans le mur
qui regardait la Mecque, et s’abîmaient dans l’extase les yeux
fixés de son côté. Quand ils trouvaient dans les ruines
égyptiennes, ou grecques, ou romaines, des colonnes antiques, ils
les assemblaient au hasard, le chapiteau à terre souvent, toutes
confondues comme des arbres dans la même unité vivante. Sur trois
côtés de la grande cour intérieure, où la fontaine à ablutions
amenait au sol desséché l’éternelle fraîcheur de la terre, leurs
rangées parallèles soutenaient, sur les arcades ogivales, les toits
plats des pays brûlants. Les murs extérieurs restaient nus comme
des remparts. L’Égypte reconnaissait son rêve en celui des
conquérants.
Mais l’enthousiasme crée l’action et suscite
la découverte. Trois siècles ont passé, l’ère des conquêtes est
close. L’Islam, par l’Afrique du Nord, va de la rampe iranienne aux
Pyrénées. Le nomade jouit des domaines conquis, y réveille les
énergies lasses, consent à animer de son esprit le génie plastique
des vaincus fanatisés. Toutes les oasis qui sèment les déserts
d’Afrique et d’Espagne se transforment en villes blanches,
s’entourent de murs crénelés, voient surgir des palais pleins
d’ombre où les Émirs viennent chercher la fraîcheur après la
traversée des sables. Quand la horde ou la caravane a marché de
longs jours dans le cercle fauve et mouvant dont on n’atteint pas
les bords, au lieu du bouquet de palmes que l’air brûlant qui vibre
et monte suspendait parfois au bord du ciel, elle aperçoit
maintenant une buée rose ou bleuâtre où des terrasses, des
aiguilles rondes, des coupoles tremblent derrière un voile
impondérable. L’âme des musulmans, même à l’heure où elle croyait
se saisir, n’a jamais atteint qu’un mirage, une ombre froide
étendue pour une heure entre les deux nappes de flamme où les
conquérants passaient.
La grande chevauchée finie, le rêve qui allait
devant lui comme une vague,
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Eis und Dampf: Eine Steampunk-Anthologie (German Edition) Online Lesen
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