L'assassin de Sherwood
lancé cette attaque. Ils étaient sur une charrette. Ils avaient caché un petit trébuchet sous des bottes de paille.
— Une catapulte ? s’étonna Branwood.
Le messager eut un geste d’impuissance :
— La charrette est toujours là, mais eux se sont enfuis.
L’homme ressortit. Branwood resta prostré, le visage dans les mains.
— Résumons la situation ! s’exclama Corbett. Hobwell a été trahi, ces scélérats l’ont décapité et ont expédié sa tête tranchée dans la cour du château ainsi qu’une volée de flèches dont deux ont failli nous atteindre.
Branwood se redressa :
— Bienvenue à Nottingham, Messire ! Robin des Bois salue bien bas les émissaires du roi !
Il jeta un coup d’oeil à la ronde :
— Voyez, souffla-t-il sur un ton désespéré, voyez comme tout s’assombrit !
Corbett suivit son regard et remarqua les derniers rayons de soleil qui filtraient à travers les archères, situées haut dans le mur.
— Je déteste cette forteresse ! enchaîna Branwood. Elle est frappée de malédiction. Elle n’a jamais porté chance à qui que ce soit. Il y a une centaine d’années, le grand-père de notre souverain fit pendre vingt-huit jeunes Gallois, retenus en otage à la suite d’une rébellion au pays de Galles. On laissa leurs corps pourrir sur les remparts et la rumeur veut que leurs fantômes errent toujours et apportent le malheur sur le château. Guy de Gisborne vous le confirmera. Sir Eustace en a été la victime et maintenant c’est mon tour.
Les paroles sinistres de Branwood furent interrompues par l’arrivée soudaine de Naylor.
— Venez vite, bon Dieu !
— Que se passe-t-il ?
Le sergent s’appuya contre le mur pour reprendre haleine.
— Dans le cellier... Lecroix s’est pendu.
Il les guida jusqu’à la cave, plongée dans la pénombre.
— Je suis descendu pour mettre en perce un tonnelet de bière, expliqua-t-il en désignant une chandelle brûlant dans une niche.
Les tressautements de la flamme rendaient plus atroce encore le spectacle du corps qui, pendu à la charpente, se tordait en une danse macabre. Corbett et Ranulf ne pouvaient détacher leurs regards de l’apparition grotesque : les globes oculaires du malheureux saillaient de leurs orbites, ses dents mordaient sa langue, sa tête était de travers sur son cou disloqué et l’urine avait souillé ses chausses.
— Va chercher le mire et frère Thomas ! lança Branwood à Naylor.
— Oh, par le Christ ! gronda Ranulf. Messire, tenez-le !
Fermant les yeux, Corbett saisit le cadavre par la taille pendant que Ranulf cisaillait la corde du tranchant de son épée. Ils le déposaient doucement à même le sol humide, simple terre battue, lorsque survinrent frère Thomas et Maigret. Ce dernier ne jeta qu’un seul coup d’oeil au corps avant de se détourner, le poing crispé sur sa bouche.
— Il est mort et bien mort, déclara-t-il.
— Depuis combien de temps ? demanda Corbett.
Le médecin s’agenouilla et tâta, du revers de la main, la joue et le cou du malheureux Lecroix.
— Une heure à peu près.
— Pendant l’attaque, alors ?
— Apparemment, confirma sèchement Maigret en fronçant le nez avec dédain.
Corbett s’accroupit près de la dépouille et l’examina soigneusement tandis que frère Thomas, de l’autre côté, murmurait l’acte de contrition à l’oreille du défunt et traçait dans l’air un grand signe de croix. Le clerc s’assura que les mains et les chevilles du mort ne portaient aucune marque de corde, puis il défit la ceinture du malheureux. Il renifla les lèvres de Lecroix en essayant de ne pas voir la salive qui achevait de sécher dans sa barbe. Puis, se pinçant le nez, il s’adressa à Branwood :
— Il était ivre quand il s’est tué. Il pue encore le vin. Naylor, qui s’était occupé d’allumer les torchères du mur, s’avança lourdement vers le fond du cellier.
— On a mis en perce un tonnelet de vin.
Corbett distingua dans la pénombre une caisse renversée et, à côté, un gobelet en étain.
— C’était un ivrogne ! commenta Maigret. Corbett fit un geste dubitatif avant d’examiner le bout de corde attachée à la poutre. Puis il reporta son regard sur la caisse et le gobelet.
— Est-ce que l’un d’entre vous l’a vu ce soir ? demanda-t-il.
— Oui, moi ! répondit frère Thomas.
Toute trace d’ironie malicieuse avait déserté son visage potelé.
— Je l’ai
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