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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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bonne parole de son Église.
    — Monsieur le baron de Mespech, s’écria-t-il apercevant
son hôte et feignant la surprise comme si nul ne le lui avait annoncé déjà,
est-ce bien vous céans, en ce lieu, qui me visitez ce jour d’hui ? Vous
eussiez dû m’en prévenir, j’aurais pris les dispositions pour mieux vous
recevoir.
    — Gardez cela pour vos supérieurs, monsieur le curé,
répondit le baron avec vivacité, je ne suis pas de ceux qu’on ensommeille à la
flatterie ! Et il n’est point utile de nous dissimuler et ce que vous
pensez de moi et ce que je pense de vous, dont nous savons fort bien tous les
deux ce qu’il en est !
    — Voyons, monsieur le baron, d’où vous vient donc ce
langage, et m’aurait-on calomnié à vos yeux que je vous vois en un remuement
que du tout je ne m’explique ?
    Ce qui m’étonna dans cette réponse, c’est qu’elle fleurait
tant la sincérité que je m’y fusse laissé prendre sans réfléchir plus outre,
mais bien béjaune je devais être devant ce genre de personnage car le baron,
loin de saisir, comme je me l’imaginais, le rameau d’olivier qu’on lui tendait,
se rebiqua tout à plein et porta la querelle plus avant, tout à la pointe de
l’épée.
    — Ah, vramy, monsieur le curé, je ne vous savais point
si chattemite, ou si couard, de paraître ignorer l’objet de ma visite !
    — Mais que Dieu m’entende, monsieur le baron, je vous
assure que je ne comprends ni le ton ni les insinuations dont vous usez à mon
encontre, fit le curé d’une même voix unie, calme, et désarmante de franchise.
    — Laissez Dieu en dehors de cela car d’intermédiaire
point n’avons nécessité en cette affaire ! Adonc, brisons là ces
dénégations qui sont les vôtres, et permettez, puisqu’elle vous manque, que je
vous rafraîchisse la mémoire !
    Le curé cilla, jeta un œil dans ma direction, et pour la
première fois je sentis dans son attitude un léger repli ou tassement sur
lui-même qui me laissa accroire qu’il se trouvait soudain sur la défensive.
    — Dimanche dernier, monsieur le curé, quand vous
montâtes en chaire pour le sermon, déversant la soupe sur votre servum pecus [12] , de
ma personne et de Mespech vous avez longuement causé en des termes que vous
devez vous ramentevoir.
    — Monsieur le baron, s’écria le curé et sa voix avait
grimpé d’une octave, ce sont là cancans de village qu’il ne se peut que vous
preniez au sérieux !
    — Les connaissez-vous donc ? laissa tomber le
baron avec mépris.
    Il y eut lors un silence tendu où, par la face rembrunie du
curé ainsi qu’à ses doigts, lesquels, croisés sur son ventre, s’agitaient tant
et plus, je mesurai le point que le baron avait marqué.
    — Non, naturellement… répondit-il enfin, mais je les
imagine, tant nos bonnes paysannes, clabaudant sans cesse, aiment à répandre
rumeurs et médisances.
    — Il s’agit bien de nos bonnes paysannes ! s’écria
le baron tout à la fureur. Et vous avez grand tort de souhaiter que Dieu
entende vos impudentes menteries ! En chaire, vous dis-je, et j’en ai été
promptement informé par d’aucuns catholiques honnêtes qui refusent à s’abreuver
au poison de l’affrontement, vous traitâtes Mespech de repaire d’hérétiques,
lesquels hérétiques périront tantôt de leur déchéance pour s’en aller rôtir
dans les flammes de l’enfer ! Voilà qui est œuvrer pour la paix en notre
province, monsieur le curé, et de ce beau jugement à l’appel au meurtre, il n’y
a guère plus qu’un petit pas léger que vous comptez franchir dimanche prochain,
sans doute ?
    — Mais je vous assure, monsieur le baron, jamais…
    — Il suffit de vos mensonges ! hurla le baron.
C’est insufférable ! Et vous avez touché à l’apothéose quand, de moi, vous
fîtes le portrait !
    Tant de brusquerie ne devait pas être le lot quotidien du
curé, qui aimait sans doute à causer en sous-entendus policés et bien tournés,
répandant le fiel avec un bon sourire, et cette violence du baron le laissa
tout à plein désarmé et muet.
    — Je n’admets pas, poursuivit le baron sur le même ton
impérieux et les yeux étincelants, que l’on me présente comme un pourceau
d’Épicure, se vautrant dans la luxure et la débauche, la queue toujours dressée
comme un satire grec, et cherchant partout à la fourrer, quel que soit
l’orifice, du cul de la chèvre au trou de la serrure quand la femelle vient à
me

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