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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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s’en rendre compte, comme
dirait Cabusse ! Car les choses s’enchaînent à une célérité qui n’autorise
que la pratique, et non plus la théorique. Il n’était plus de mise pour le
baron de tirer un second pistolet des fontes, si tant est qu’il en eût emporté
deux, ce qui n’était pas le cas – je le sus par la suite – et
l’attaque étant quasi simultanée, le temps qu’il réalisât ce qui se passait, il
ne se pouvait échapper au mortel coup de dague.
    Mué par un instinct où la pensée n’avait nulle part, je
saisis mon cotel et le lançai à la désespérée sur le gueux. Je n’avais oncques
connu de cible mouvante en ma courte existence, et celle-ci fut bien la
première. Je ne sais ce qui me fit évaluer et la vitesse de mon cotel et le
déplacement du larron, sans doute une sorte d’horloge interne que je découvris
ce jour-là, mais je visai en avant, et bien certain que mon couteau se perdrait
dans l’espace et que le baron, sous mes yeux, allait être proprement occis.
    Ai-je jamais dans ma vie connu pareille fortune ? La
lame pénétra dans la gorge, qui fut traversée de part en part, le manche fiché
d’un côté et la pointe émergeant de l’autre. Le gueux tournoya sur lui-même,
comme happé par la mélodie d’un branle mortel, puis s’affala sur le sol, d’une
fort pitoyable manière, et râla affreusement, tandis qu’un flot de sang jaillissait
de la gorge et se mélangeait à la terre. Son supplice ne dura guère car ses
yeux, tout soudain, devinrent aussi fixes que la perle d’une huître, et la mort
le saisit là, sans autre forme de procès.
    Ce que voyant, le troisième quidam se détendit comme un
ressort, et une fois debout prit sa course, disparaissant dans les taillis sans
même nous laisser le temps d’ouvrir la bouche ni d’esquisser le moindre geste.
    Le baron se laissa tomber au bas de sa monture et, tirant sa
longue épée, s’approcha de son mort, dont la tache au cœur était allée
s’élargissant et empourprait le devant de la chemise. Examinant le corps sans
mouvement, d’une pointe molle, il piqua la joue du cadavre, qu’il transperça,
et observa l’effet, qui fut néant. Il fit de même avec mon égorgé, sans plus de
suite sur la santé du cadavre, et lors rassuré remit l’épée au fourreau. À la
vérité, on pouvait avoir fiance en la bonne et saine issue de nos deux
trépassés, vu les navrements qu’ils avaient subis, mais le baron, instruit en
cela par son expérience de soldat, où sur champ de bataille certains tués,
parfois, se ressuscitaient, et se saisissant d’une arme donnaient la mort à son
étourdi adversaire avant que d’y succomber à nouveau, avait appris à s’assurer
de la sincérité de leur cadavéreuse apparence.
    Dès lors que cette utile et salutaire prudence fut
accomplie, le baron se tourna vers moi, qui avais sauté au pied de mon cheval,
et me marchant sus à grandes enjambées, il me serra dans les bras et me bailla
une forte brassée, jusqu’à m’étouffer, la seule que le baron m’accordât jamais
du temps que je le connus.
    — C’est merveille, Miroul, c’est merveille !
Ainsi, te dois-je la vie à présent, mon bon Miroul ! Le fait est par
lui-même si extraordinaire que je ne saurais trop bénir la Providence qui te
fit m’accompagner en cette équipée ! Quel coup de maître que ce lancement
de cotel, à dix pas d’un gueux en mouvement, et dans l’émotion de
l’embuscade ! C’est Dieu qui guida ta main, car l’exploit n’a rien
d’humain, mais tient de la précision de l’aigle qui, du haut des airs, fond sur
sa proie et s’abat sur elle avec la sûreté de la flèche ! Ah !
Sanguienne ! Capdediou ! Sanbleu ! Miroul, tu vaux bien tout ce
que je me suis apensé sur toi quand tu as traversé les murs de mon castel, et
vramy, je ne serai pas un ingrat en ce prédicament !
    Il retourna à son cheval, se remit en selle, et fit volter
sa monture dans ma direction. Tandis que je remontais sur ma bête et avançais
vers lui, il ajouta :
    — L’immutable ami Sauveterre n’avait pas tort de même,
le risque n’est pas moins grand en courte ou longue équipée ! Et je lui
dois prou aussi à cet obstiné, qui me poussa à te prendre avec moi, afin que de
le voir cesser de m’assaillir de son encombrante sollicitude ! Miroul, de
me savoir vif, et non pas gisant céans face contre terre, me voilà tout
ragaillardi et rebiscoulé !
    Quand nous fûmes au botte à

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