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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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Moussu
Pierre.
    — Certes non, mais c’est là l’idée de mon père pour
accroître la défense de Mespech.
    Jonas resta silencieux un moment, se grattant le crâne tout
en réfléchissant.
    — Et comment donc que vous le voudriez, ce mur ?
    — Haut de deux toises environ pour que, sans échelle,
on ne puisse le franchir. Faujanet, côté intérieur, monterait une sorte de
courtine en bois permettant de dominer l’assaillant en cas d’attaque.
    — Haut de deux toises… répéta Jonas puis il se tut tout
à plein si bien que mon maître le relança.
    — Eh bien, Jonas, adonc ? L’ampleur de la tâche,
tu l’estimes comment ?
    — Ça dépend, Moussu Pierre, vous le voudriez comment ce
mur ?
    — Mais haut de deux toises, je te l’ai dit,
Jonas !
    Lors Jonas eut un curieux regard en biais, tout chargé
d’incompréhension, et voyez-vous, lecteur, il ne faut point prendre trop vite
ceux du peuple pour les imbéciles qu’ils ne sont pas, comme la suite le montra,
car parfois ce n’est que votre propre ignorance qui vous fait juger de leur
stupidité.
    — Oui-da, Moussu Pierre, haut de deux toises, reprit
Jonas lentement et humblement, mais à un ou deux parements ?
    Là, il y eut un silence fort long pendant lequel je gage que
c’est mon maître qui dut se sentir stupide.
    — Qu’est-ce à dire, Jonas ? interrogea-t-il d’une
voix moins assurée que jusques-lors.
    — Que voilà, commença Jonas, un mur à deux parements,
c’est comme deux murs côte à côte avec de la fourrure entre les deux.
    — De la fourrure ?
    — De la blocaille si vous préférez, de la caillasse qui
empêche les grosses pierres de chacun des deux murs de glisser vers
l’intérieur. Autrement, sans blocaille, votre beau mur, il s’écroule sur place
avant la nouvelle an. Évidemment, c’est de la pierre en plus…
    — Ah ? Et qu’est-ce donc qui est le plus solide,
Jonas, à un ou deux parements ?
    De sourire Jonas ne put s’empêcher et, connaissant son
respect pour la famille Siorac et l’autorité en général, c’est dire si
l’ignorance de mon maître dut lui paraître abyssale.
    — À deux parements, Moussu Pierre, sinon on n’aurait
rien inventé de tel, qui demande tant plus de travail.
    — Mais il y faut deux fois plus de pierre, pas
vrai ? déclara mon maître, lequel, cherchant à remettre pied à l’étrier,
en arrivait à énoncer des évidences qui auraient fait rire à gueule fendre
n’importe quel niais de village.
    — Sans compter la blocaille… dit Jonas, glissant sans
ciller sur le propos de mon maître.
    Ce dernier se tut un court instant et reprit aussitôt :
    — Mon père optera pour un double parement.
    — Sans doutance aucune, Moussu Pierre… plus large, plus
stable, surtout avec une hauteur de deux toises.
    — Et combien de temps pour tailler tout ça,
Jonas ?
    — Faut que j’y va voir la palissade et que j’en mesure
la longueur. Un mur à deux parements sera bien solide… pour sûr… et de pierre
sèche suffira, nul besoin de liant ou de mortier… les pierres de chaque mur
seront une à cheval sur deux et deux à cheval sur une, comme à la
tradition, et c’est solide que vous y croiriez pas !
    — Mon père semble impatient de réponses rapides,
pourras-tu t’y rendre ce jour d’hui ?
    — C’est selon le désir de votre père.
    Derechef réfléchissant, Jonas questionna :
    — Mais c’est pas de la roche là-bas, c’est que de la
terre en profondeur ?
    — En effet, Jonas.
    — Lors il y faudra une semelle.
    — Et m’expliqueras-tu ce qu’est une semelle ?
demanda mon maître qui s’habituait à son ignorance.
    — C’est l’assise, Moussu Pierre. Pour que ça tienne sur
de la terre, faut creuser une tranchée et y placer de gros blocs plats et de
même épaisseur, sinon ça s’affaisse ici et là, cause aux tassements.
Évidemment, c’est de la pierre en plus…
    — Bien, je vois que tu connais ton affaire, Jonas.
    — Faut bien, Moussu Pierre, pourquoi que je serais
carrier autrement ?
    Jonas en était presque gêné du compliment, surtout qu’il
avait bien conscience de ne réciter là que la base du métier, rien de plus.
    — Et l’entrée ? Quelle largeur que vous la
voulez ?
    — De quoi faire passer les charrettes, pas plus.
    — Bon, une voûte clavée j’y placerai, et un cintre de
bois Faujanet me fera.
    Jonas saisit la bouteille et nous resservit un plein
gobelet. Avec admiration je le

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