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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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est à
l’attaque qui ne veut conclure et tel est à la défense qui ne veut
attaquer ! Croyez-vous que cela puisse se terminer avant longtemps ?
    À cela mon maître rit à gorge déployée tout en préparant son
arme.
    — Si fait, le spectacle étonne, comme si le jeu était
de durer et non d’abréger au plus vite !
    — Ah, Pierre, abréger certes, au plus vite sans doute, mais point au détriment de la défense, ne l’oubliez pas !
    Et faisant quelques pas vers le milieu de la salle, Cabusse
leva son épée et s’écria :
    — Croisons le fer, Pierre, et gardez-vous de vos
cuisses, je porterai là mes attaques !
    Lors mon maître me donna congé pour deux heures, si bien que
je sortis dans la cour, sans but aucun, à la flânerie, et tournant quelque peu
en rond, indécis, je me décidai à rendre visite à Faujanet et à ses tonneaux.
Mais au moment où je m’y dirigeais, je fus hélé par le baron qui, de la fenêtre
de sa librairie, me fit signe de le rejoindre. J’y courus en gravissant par
poignées les marches du grand escalier et pénétrai fort essoufflé en la
bibliothèque où le baron m’attendait debout, les mains derrière le dos.
    — Miroul, entre voir, mon bon Miroul, dit le baron. Je
m’apensais à tort que Pierre viendrait céans me conter le résultat de sa visite
à Jonas, et point ne l’ai vu. Où donc se trouve-t-il asteure, le drôle ?
    — En salle d’escrime à tirer contre Cabusse, Moussu lou
Baron.
    — Ah bien, et que ces leçons sont importantes qui
peut-être un jour lui sauveront la vie ! Mais la visite à Jonas, tu en
étais, je crois ?
    — Oui, Moussu lou Baron, nous nous en retournons.
    — Qu’a-t-il dit, notre grand Jonas, et de boire chopine
avec vous la langue lui en a-t-il déliée ?
    — Il a demandé si le mur devait être à un ou deux parements ?
    — À deux parements, bien sûr, est-ce un mur pour garder
les moutons dont nous avons besoin !
    — C’est ce que votre fils a répondu. Moussu lou Baron,
à deux parements.
    — Excellent. Ensuite ?
    — Qu’il y faudrait une semelle.
    — C’est là vérité d’évidence, Miroul, que de la terre
près de notre étang, et meuble de surcroît ! Mais encore ?
    — Que pour l’entrée, il ferait une voûte clavée…
    — Ce sera du plus joli effet ! Et quoi ?
    — Il a parlé de boutisses en saillie…
    — Qu’est-ce à dire ? demanda le baron que je
voyais étonné pour la première fois.
    — Au sommet du mur, des pierres qui débordent vers
l’assaillant afin que de le gêner à escalader le mur.
    Là, le baron se donna une minute de réflexion avant de
répondre :
    — À mon avis, ces boutisses gêneront plus le défenseur
pour viser ceux qui sont à ses pieds que l’assaillant dans son escalade, lequel
assaillant doit rester à découvert pour être mieux repoussé. Point de
boutisses, Miroul !
    — C’est à peu près ce que votre fils a répondu.
    — Pierre comprend donc l’art militaire, j’en suis bien
aise, même si à ce stade le simple bon sens suffit. Mais le délai, Miroul,
combien de temps nous faudra-t-il pour que ce mur soit en place ? Pierre
a-t-il dit à Jonas que je lui baillerai jusqu’à vingt bras pour l’aider ?
    — Oui, il le lui a dit.
    — Adonc ? Sais-tu que tu me fais mourir
d’impatience, Miroul ?
    — Pardonnez-moi, Moussu lou Baron, mais Jonas point n’a
voulu le dire.
    — Ah, sanguienne, que n’étais-je là ! Il faut
insister avec ce Jonas, il sait fort bien mais a peur de se tromper ! Ce
carrier toujours me fera enrager !
    — Il ira mesurer la palissade ce jour d’hui… dis-je
pour calmer une ire que je sentais monter et dont j’avais appris à mesurer les
désastreux ravages.
    — Ne nous plaignons pas ! Le primordial n’est-il
pas qu’il se mette à l’ouvrage incontinent ? Le délai, je crois le
deviner, il nous faudra une année entière pour que tout soit achevé, mais
j’aurais bien aimé qu’il le dise lui-même, l’animal !
    Cette discussion me donna fort à penser sur l’intérêt que le
baron portait à ce projet, lequel était de ceux qu’il avait conçus avec la
passion qu’il mettait en toutes choses, qu’il le suivrait de ses prémices à la
dernière pierre posée, assurément, et je m’apensai que les bons ouvriers du
chantier en verraient bien souvent la visite, à la manœuvre tout autant que
Jonas qui s’effacerait au besoin, sachant bien que le maître a raison

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