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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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sorte de
cérémonie organisée par le baron, où tout Mespech se déplaça pour admirer le
beau mur à deux parements et haut de deux toises. Faujanet, côté défense, y
avait monté un chemin de ronde en bois qui courait tout du long, si bien que
Jean de Siorac en tête, suivi de Sauveterre claudiquant, des fils et fille du
baron, de Jonas et de tout le domestique, garces et marmots compris, fit le
tour de ces nouveaux remparts, et chacun de s’extasier de la belle ouvrage que
c’était là, d’y aller de son commentaire, de toucher et de caresser les
pierres, trouvant même à cette muraille des airs de ressemblance avec d’autres
fortifications du pays, tout comme s’il s’agissait d’un nouveau né, sorti tout
droit des cuisses de sa mère, et que l’on aimait à comparer à ceux de sa
famille.
    Si Jonas ne disait rien, on sentait sa modeste fierté, tel
le père du nourrisson, et le baron, debout sur ce chemin de ronde qui dominait
le pré environnant, face à nos belles collines verdoyantes du Périgord, devant
tous et toutes assemblés en cette occasion, le serra dans ses bras d’une bien
solennelle manière pour le mercier et le féliciter du labeur accompli. Preuve
que le baron savait rendre à César ce qui appartenait à César, et ceci avec
générosité, c’est-à-dire devant tous. Pourtant, nul doute non plus qu’il
s’accordait à lui, et à lui seul, la paternité de l’ouvrage, première défense
visible de Mespech et conçue pour décourager illico assaillants ou maraudeurs
qui en viendraient à s’approcher.
    — Ce mur, Jonas, est beaucoup plus qu’un mur, dit le
baron d’une voix forte que gonflait l’enthousiasme, c’est notre muraille de
Chine !
    Et ces fortes paroles furent reçues en un grand silence car
le domestique, et votre Miroul en premier, ignorait ce qu’était cette muraille,
ni savait ce que le mot Chine signifiait, à tel point que je cuide assez que
Sauveterre seul entendit cette allusion, et encore ne puis-je l’assurer avec
certitude, car je ne vis sur ses traits nulle réaction, ni de surprise, ni
d’assentiment.
    Si je ne craignais de prêter à gausserie, j’assumerais bien
volontiers une part de paternité en cette affaire, car il me plaît à penser que
cette périlleuse facétie que j’eus de m’introduire en Mespech à l’aide de mon
grappin, et par là de franchir avec tant de facilité cette palissade en bois,
n’y est pas pour néant dans la décision du baron de la remplacer par une plus
impressionnante fortification.
    Mais j’anticipe, car après notre première visite à Jonas,
considérant l’ampleur démesurée de la tâche, j’étais très en doutance que ce
mur fut jamais construit, ne sachant pas encore que le baron était de ces
hommes qui vont au terme de leurs désirs, et ceci avec une implacable ardeur,
sans se décourager aucunement des traverses qui surgissent tant et tant et qui
affaiblissent la volonté de beaucoup. Non, le baron avait une fermeté en lui
qui forçait l’admiration, qu’il a léguée en partage à son fils et que j’ai vue
en action en moult occasions, et aussi bien en tant de choses insignifiantes et
négligeables, ce qui prouve assez que là se trouvait le ressort de son
existence tout autant que sa joie de vivre.
     
    De triste mémoire sont les jours qui suivirent nos premières
visites à Jonas car ils présageaient de sombres prédicaments en Mespech où la
faucheuse s’en viendrait rendre une de ses terribles visites que oncques elle
n’annonce à son de trompettes, comme honteuse de son emploi et de son action.
    Un matin que derechef je prenais mon déjeuner en compagnie
de la petite Hélix, je la vis prendre à deux mains sa jolie tête et pousser un
cri de douleur qu’elle ne tenta même pas de réprimer. Comme je l’interrogeais
sur le mal étrange dont elle m’avait causé quelques semaines auparavant, elle
eut un malheureux sourire, la pauvrette, qui ne devinait mie que ce qui la
rongeait était bien l’ultime épreuve dont Dieu la gratifiait. Et que l’on doive
subir pareil pâtiment, qui ressemble fort à un châtiment, avant que d’aller
rejoindre le Tout-Puissant en sa voûte céleste reste pour moi un bien épais
mystère.
    — Si fait, Miroul, me répondit-elle, c’est grande pitié
que ce mal, qui semblait m’avoir quittée ces jours-ci, m’est revenu plus fort
encore, et que tout branle en mon crâne au point que je ne le supporte.
    — Que n’en parles-tu à Pierre

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