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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas
Autoren: Hubert Prolongeau
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fais
rien de ce que tu veux.
    — Je dis que tu en restes à la surface, comme
beaucoup d’entre vous. Vous contraignez vos corps, et vous pensez avoir soumis
vos âmes. Mais qu’arrive un pauvre ou un miséreux, et voilà que vos pires côtés
reprennent le dessus. Marie a fait la même démarche que vous, sauf qu’elle a su
aimer. Le royaume de mon père est fait pour ceux-là : pour les petits, pour
les humbles, pour les mal-aimés qui auront su trouver en eux cette force.
    — Tu détestes bien les Romains…
    — Non. Je déteste l’occupation et la
violence qu’ils font à mon père. Tu confonds encore tout, Pierre. »
    Pierre avait envie de se fâcher, mais il n’osait
guère : un simple regard de Jésus lui faisait perdre tous ses moyens. Il
se leva et partit en maugréant, accompagné sans qu’il le sût par l’œil
indulgent de son maître. Il n’en aima pas plus Marie, mais l’accepta dès lors
comme il avait accepté toutes les bizarreries que lui imposait Jésus.
    Bien sûr, l’on commença à jaser. Qu’une
prostituée soit si proche du maître fit ricaner. Des remarques hostiles ou
moqueuses vinrent même troubler certaines réunions publiques. Marie retrouvait
spontanément avec les hommes son ancienne familiarité : elle les touchait,
s’appuyait sur eux quand elle était fatiguée, portait à leur bouche des
aliments qu’elle venait de goûter et riait beaucoup, sans se préoccuper des
dents cariées qui noircissaient un sourire qu’elle avait longtemps entretenu. Son
habillement, souvent somptueux, heurtait. Elle entourait toujours ses yeux de
khôl. Beaucoup des femmes qui suivaient Jésus étaient pauvres et avaient, à ses
côtés, pu faire de cette pauvreté un avantage. Certaines, extrapolant ses
éloges du dénuement, rivalisaient même de saleté et les approcher demandait un
courage qui ne semblait jamais peser au maître.
    « Comment oses-tu te présenter à lui dans
cette tenue de pécheresse ? l’attaqua un jour une femme.
    — Parce que je suis venue avec. Crois-tu
cet air de cadavre triste et sale qui est le tien plus apte à lui rendre
hommage ? » répondit-elle.
    Jésus laissait tout dire.
    Même Judas, une fois,
s’en prit à elle. Elle avait apporté un flacon de parfum et en avait versé sur
les pieds de Jésus. L’odeur, presque suffocante, avait aussitôt envahi la
petite pièce où ils se trouvaient. Pour avoir vu sa mère en récolter, Judas
savait ce que coûtait de travail et d’ardeur ce parfum fait du suc d’une mousse
brunâtre cueillie au creux des rochers. Plus de deux cents livres devaient en
être écrasés pour un seul litre. Et c’était ce travail, ce produit luxueux
fabriqué par des femmes aux reins brisés, que Marie répandait sur les pieds de
celui qui se voulait si proche des pauvres ? Judas s’était fâché, bêtement,
mettant en avant le prix du parfum, et il s’était fait reprocher par Jésus sa
ladrerie. Alors, furieux, il avait renversé par terre le reste du flacon. Marie
s’était mise à pleurer, en silence.
    Un matin, Judas, levé
tôt, vit Marie sortir de l’abri où se reposait Jésus, puis le maître lui-même
en extirper sa carcasse.
    « Crois-tu que je doive connaître toutes
vos pauvres joies ? » lui demanda-t-il.
    C’était une question, et Judas ne sut pas y
répondre.
    Depuis plusieurs
jours, Judas avait l’impression qu’un homme suivait la troupe. Il apercevait
son ombre derrière les arbres quand ils marchaient et l’avait repéré se
glissant dans la foule quand Jésus s’arrêtait pour parler. Il n’avait manifesté
aucune agressivité, mais n’avait pas osé non plus, ni se mêler à eux, ni
interpeller le prophète.
    Judas voulut en avoir le cœur net. La nuit, alors
que tout le monde était couché, il se faufila à l’arrière du campement. Avançant
silencieusement, il parvint à contourner la butte qui protégeait les hommes du
vent. Et il vit le rôdeur qui attendait.
    Il bondit, l’immobilisant sous son poids. Mais
il ne sentit sous lui qu’un corps qui s’abandonnait. La lune éclaira le visage
de son adversaire.
    C’était le Romain dont Jésus avait guéri le
fils.
    « Que fais-tu là ? » rugit
Judas.
    Son adversaire ne portait pas d’uniforme, ni
aucun des attributs auxquels les siens se reconnaissaient.
    « Prépares-tu quelque chose ? continua
Judas, tout en sachant déjà qu’il n’en était rien.
    — Non. Je voulais le voir, mais je n’ai
pas osé
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