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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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hommes, et Hardenburg, radieux, était allé, dans la matinée, faire son rapport au quartier général du bataillon.
    Mais, à midi, les canons avaient recommencé, et toute une compagnie de tanks était apparue à travers le champ de mines, et la ligne avait été enfoncée. Ils avaient pu, cependant, stopper l’infanterie britannique avant qu’elle les atteigne, et ce qui restait des tanks avait reflué, se retournant de temps à autre pour les balayer, avant de se retirer hors de portée. Et, avant qu’ils aient eu le temps de reprendre leur souffle, l’artillerie britannique avait encore ouvert le feu, surprenant à découvert le corps médical occupé à soigner les blessés. Ils hurlaient tous et mouraient devant eux, et personne ne pouvait sortir de son trou pour aller les aider. C’était sans doute à ce moment-là que Knuhlen s’était mis à pleurer et Christian se rappelait avoir pensé, avec une stupéfaction incrédule : « Ils prennent tout ça vraiment au sérieux. »
    Puis il s’était mis à trembler. Il avait essayé de se raidir, s’arc-boutant de toutes ses forces contre les côtés de son trou ! Quand il avait regardé par-dessus le bord du trou, il avait vu des milliers de Tommies courant vers lui et sautant sur les mines, et il avait eu envie de se lever et de leur dire : « Vous faites erreur. Je souffre de la malaria, et vous ne voudriez pas vous rendre coupable du meurtre d’un invalide, n’est-ce pas ? »
    Pendant des jours et des nuits, il avait subi le mortel va-et-vient de la fièvre, il avait grelotté en plein désert, sous le soleil de midi, pensant parfois, avec hostilité : « Ils ne m’avaient pas dit que ça durerait si longtemps, ni que j’aurais la malaria lorsque ça arriverait. »
    Puis, tout à coup, une accalmie s’était produite, et i l avait pensé, vaguement : on n ’a pas bougé, on est toujours au même point, tout cela est absolument ridicule. Il s’était endormi, à genoux, dans son trou. Une seconde plus tard, Hardenburg l’avait secoué par l’épaule, en hurlant : « Vous êtes vivant, oui ou non ? » Il avait essayé de répondre, mais ses dents claquaient et ses yeux refusaient de s’ouvrir. Il avait souri tendrement à Hardenburg, qui l’avait empoigné par le col de sa chemise et traîné dans le sable, comme un sac de pommes de terre, tandis qu’il saluait gravement les cadavres, de part et d’autre. Il avait été tout surpris de constater qu’il faisait nuit et qu’un camion l’attendait, un peu plus loin, moteur tournant au ralenti. « Pas tant de bruit, idiots », s’était-il écrié, et quelqu’un l’avait jeté sur le plancher, à l’intérieur du camion. L’homme qui était étendu près de lui sanglotait et disait : « Je m’appelle Richard Knuhlen, » et pendant des heures, dans le camion qui les secouait et les jetait les uns contre les autres, l’homme avait continué de répéter sans cesse : « Je m’appelle Richard Knuhlen, et j’habite au numéro 3, rue Carl-Ludwig. » Enfin, Christian s’éveilla pour de bon, et, lorsqu’il comprit qu’il ne mourrait peut-être pas encore cette fois-ci, et qu’ils étaient en pleine retraite et qu’il avait toujours la malaria, il se demanda, sans y attacher d’importance : « J’aimerais savoir si le général est toujours aussi optimiste. »
    Le camion s’arrêta, Hardenburg apparut et dit :
    –  Tout le monde dehors ! Tout le monde !
    Lourdement, les hommes sautèrent du camion. Deux ou trois hommes manquèrent leur coup et restèrent immobiles, sur le sol, tandis que les autres sautaient et leur tombaient dessus. Christian fut le dernier à sauter d u camion. « Je suis debout, pensa-t-il, triomphant, je suis debout. »
    Hardenburg lui jeta un regard étrange. Le canon tonnait toujours, un peu partout, autour d’eux, mais la petite victoire d’avoir atterri correctement semblait être seule, pour l’instant, à avoir de l’importance.
    Christian dévisagea les hommes qui se relevaient péniblement ou se tenaient alentour dans des attitudes de somnambules. Il n’en reconnaissait que quelques-uns, mais les visages des autres lui reviendraient peut-être, lorsqu’il ferait jour.
    –  Où est la compagnie ? demanda-t-il.
    –  Ici, dit Hardenburg.
    Sa voix était méconnaissable. Christian le soupçonna soudain de n’être pas Hardenburg. Cet homme ressemblait au lieutenant, c’était incontestable, mais était-ce bien

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