Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
Vom Netzwerk:
lieutenant.
    Christian sourit avec une amabilité figée, comme u n ivrogne à une réception mondaine et plutôt ennuyeuse.
    –  J’ignore quels ordres ils ont reçus, reprit Hardenburg, mais ils peuvent être appelés d’un instant à l’autre à rebrousser chemin pour combattre…
    –  Évidemment, approuva Christian.
    –  Il vaut toujours mieux s’en tenir à ses propres moyens de transport, dit Hardenburg.
    Christian était vaguement reconnaissant au lieutenant de tout lui expliquer ains i.
    –  Oui, dit Christian, oui, mon lieutenant.
    –  Qu’avez-vous dit ? hurla Hardenburg au moment où un véhicule blindé parvenait à leur hauteur, dans un grand fracas de ferraille secouée.
    –  J’ai dit…
    Christian hésita. Il ne se souvenait plus de ce qu’il avait dit.
    –  J’ai dit que j’étais d’accord… Absolument d’accord.
    –  Très bien, dit Hardenburg.
    Il dénoua le mouchoir que Christian portait autour du cou.
    –  Vous feriez mieux de le mettre sur votre visage, pour la poussière.
    Il essaya de le nouer derrière la tête de Christian.
    Christian leva les mains, saisit le lieutenant aux poignets et les écarta lentement.
    –  Excusez-moi une minute, dit-il.
    Puis il se pencha et vomit.
    Les occupants des camions ne les regardaient pas. Ils regardaient droit devant eux, sans curiosité, sans but, sans espoir.
    Christian se redressa. Il se sentait mieux, bien que le goût qui emplissait sa bouche fût encore plus désagréable qu’auparavant. Il noua le mouchoir en triangle, sur sa bouche et son nez. Il eut beaucoup de mal à faire le nœud, derrière sa tête, mais, finalement, il y parvint.
    –  Je suis prêt, annonça-t-il.
    Hardenburg avait fini de nouer son propre mouchoir. Christian remit ses bras autour de la taille du lieutenant et la motocyclette repartit, à la suite d’une ambulance, de laquelle dépassaient trois paires de jambes.
    Christian se sentait soudain une grande affection pour le lieutenant assis devant lui sur la motocyclette, avec son mouchoir sur la bouche, comme un bandit dans un film de cow-boys américains. « Comment lui prouver à quel point je l’apprécie », pensa Christia n pendant cinq minutes, il se demanda comment il pourrait bien témoigner au lieutenant sa gratitude envers lui. Et lentement, l’inspiration lui vint. « Je vais tout lui dire, pensa Christian, au sujet de sa femme et de moi-même. C’est tout ce que j’ai à offrir. » Christian secoua la tête. « Ridicule, pensa-t-il, ridicule. » Mais il ne pouvait plus se débarrasser de cette idée. Il ferma les yeux, il essaya de penser aux trente-six hommes abandonnés dans le sud ; il essaya de penser à toute la bière et à toute l’eau glacée qu’il avait bues depuis cinq ans, mais, à chaque instant, il se seul ait sur le point de crier au lieutenant, par-dessus la rumeur infernale du convoi : « Mon lieutenant, j’ai couché avec votre femme lorsque je suis allé en permission à Berlin. »
    La procession s’arrêta, et Hardenburg, qui avait décidé de rester, par prudence, au milieu du convoi, freina et débraya. « C’est le moment, pensa follement Christian, c’est le moment de tout lui raconter. » Mais, au même instant, deux hommes sortirent de l’ambulance, devant eux, traînant par les pieds un cadavre qu’ils déposèrent sur le côté de la piste. Ils se mouvaient lourdement et avec une visible lassitude. Christian les regarda, par-dessus le bord de son mouchoir. Les deux hommes levèrent les yeux, avec des expressions coupables.
    –  Il est mort, dit l’un d’eux en s’approchant de Christian. À quoi bon continuer à le trimbaler, puisqu’il est mort ?
    Puis le convoi redémarra, et l’ambulance passa en première. Les deux hommes la rejoignirent en courant, leurs bidons d’eau ballottant contre leurs hanches, et l’ambulance les traîna dans le sable, sur une certaine distance, avant qu’ils parviennent à remonter à l’intérieur, par-dessus les trois paires de jambes saillantes. Ensuite, le fracas du convoi empêcha de nouveau Christian de parler au lieutenant de sa femme.
    Il était difficile de se rappeler à quel moment le feu avait commencé. Il y avait eu un crépitement irrégulier, vers la tête du convoi, et tous les véhicules s’étaient arrêtés. Christian s’aperçut soudain qu’il y avait déjà longtemps qu’il entendait ce crépitement, sans comprendre de quoi il s’agissait.
    Un peu partout,

Weitere Kostenlose Bücher