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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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des hommes sautaient lourdement des camions et s’éparpillaient dans le désert, de chaque côté de la route. Un blessé tomba de l’ambulance et se mit à ramper, traînant derrière lui une jambe inutilisable. Il s’arrêta à une dizaine de mètres de la route et commença fiévreusement à creuser un petit trou devant lui, avec ses mains. Des mitrailleuses ouvrirent le feu, tout autour d’eux. Les véhicules blindés pointèrent leurs canons dans toutes les directions et tirèrent, au petit bonheur, à cadence rapide.
    Un petit homme chauve allait et venait, le long des camions désertés, hurlan t :
    –  Répondez-leur, tas de salauds, répondez-leur donc !
    Il avait perdu son casque et agitait furieusement une petite baguette de jonc. « Ce doit être au moins un colonel », pensa Christian.
    Des obus de mortiers tombaient à soixante mètres de là. Un camion prit feu. Hardenburg rangea la moto contre l’ambulance et scruta le désert. Le triangle de son mouchoir fouettait son menton comme une fausse barbe mal placée.
    Les Britanniques se servaient maintenant de balles traçantes qui fonçaient vers le convoi en arabesques capricieuses et semblaient prendre de la vitesse à mesure qu’elles s’approchaient des véhicules immobiles. Christian ne parvenait pas à déterminer d’où partaient ces salves lumineuses. « Tout cela est si désordonné, pensa-t-il. Il est impossible de combattre dans de telles conditions. » Il se disposa à descendre de la moto. Il avait envie de marcher un peu, de se coucher dans un coin et d’attendre que n’importe quoi lui arrive.
    –  Restez en selle ! cria Hardenburg, comme s’ils avaient été dans la cavalerie.
    « Le désordre, toujours le désordre, » pensa Christian en se rasseyant correctement sur le siège arrière de la motocyclette. Il chercha sa mitraillette, mais il ne se souvenait plus de ce qu’il en avait fait. Une odeur de cadavre et de désinfectant, émanait de l’ambulance. Christian se mit à tousser. Un obus siffla, éclata à proximité, et, machinalement, Christian s’aplatit contre le flanc métallique de l’ambu lance. Quelque chose le frappa dans le dos . Il porta la main à son épaule et en lit tomber un fragment de shrapnel. Il découvrit, par la même occasion, qu’il portait toujours sa mitraillette en bandoulière. Et pourtant il était certain qu’elle n’était pas là tout à l’heure. Il essayait de s’en dépêtrer lorsque, brutalement, Hardenburg redémarra. Christian faillit tomber. Le canon de son arme le frappa sous le menton. Il se mordit la langue et sentit dans sa bouche le goût fade et désagréable de son propre sang. La motocyclette fonça en avant, parmi les silhouettes accroupies et les véhicules et les explosions. Une arabesque de balles traçantes s’incurva gracieusement dans leur direction. Hardenburg maintint le cap de sa machine, l’arabesque ondula au-dessus de leurs têtes, et ils sortirent bientôt de la lueur dansante des camions incendiés.
    –  Quel désordre ! murmura Christian.
    Il en voulut soudain à Hardenburg. S’il avait l’intention de se jeter dans les bras de l’armée britannique, il était parfaitement libre de le faire. Mais il n’avait pas besoin d’emmener Christian avec lui. Christian décida de se laisser tomber de la moto. Il essaya de lever le genou, mais le bas de son pantalon devait être accroché après quelque chose, et il n’arrivait pas à dégager son pied. Devant eux, sur la droite, il distingua vaguement les silhouettes de plusieurs tanks. Leurs tourelles pivotaient. Puis la mitrailleuse de l’un d’eux se mit à tirer dans leur direction, et les balles sifflèrent derrière eux, à quelques mètres.
    Christian se pencha en avant et pressa sa tête contre l’épaule du lieutenant. Le lieutenant portait un baudrier de cuir, dont les boucles écorchaient la joue de Christian. Une nouvelle salve souleva, devant eux cette fois, des petits nuages de poussière. Christian se mit à pleurer et se cramponna au lieutenant de plus belle. Il savait qu’il avait peur et qu’il ne pouvait rien faire pour se sauver et qu’ils n’allaient pas tarder à être touchés, et qu’avant peu, lui, le lieutenant et la motocyclette ne formeraient plus qu’une seule masse de ferraille et de chair brûlées… Puis quelqu’un hurla quelque chose, en anglais. Hardenburg grogna, se coucha sur la moto ; bientôt les sifflements cessèrent, ils se

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