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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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cela n’a aucune importance. » Mais le voisin de Donnelly, un grand fermier osseux de la Caroline du Sud, qui était assis, la tête dans ses mains, sur le bord de sa couchette, enchaîna calmement, avec une expression boudeuse et raisonnable.
    –  C’est vous autres qui nous avez fourrés dans cette guerre. Vous pourriez au moins essayer de vous conduire comme des êtres humains.
    Et Noah comprit que ce n’était pas une plaisanterie.
    Il gagna son lit, baissant les yeux pour éviter de regarder les autres, mais il savait que les autres le regardaient. Même les joueurs de poker avaient interrompu leur partie pour le regarder s’asseoir sur sa couchette. Même Whitacre, le nouveau, qui avait l’air d’un type très bien, et sur lequel, après tout, s’était également abattue la main de l’Autorité, était assis au bord de son lit reconstitué et le regardait avec un soupçon de colère.
    « Fantastique, pensa Noah. Mais ça passera, il faudra bien que ça passe… »
    Il sortit son papier à lettres et se mit à écrire à Hope.
    « Mon amour, écrivit-il, je viens juste de terminer mon ménage. J’ai lavé neuf cent soixante fenêtres avec autant de soin qu’un bijoutier faisant briller un diamant de cinquante carats pour la maîtresse d’un roi du marché noir. Je ne sais comment je me comporterai devant un fantassin allemand ou un fusilier-marin japonais, mais, pour ce qui est lavage de fenêtre, je ne crains plus personne… »
    –  C’est pas la faute des Juifs, disait un des joueurs de poker, y sont tellement plus rusés que les autres. C’est pourquoi y en a si peu dans l’Armée. Et c’est pourquoi y gagnent tout le pognon. Je les en blâme pas ! Si j’étais aussi malin qu’eux, je serais pas là non plus aujourd’hui. Je serais en train de faire fortune, dans un hôtel de Washington.
    Il y eut un silence, et Noah savait que tous les joueurs venaient de se tourner vers lui, mais il ne leva pas la tête.
    « Nous marchons aussi, écrivit-il lentement. Nous montons les collines. Ensuite, nous les redescendons. Nous marchons le jour. Nous marchons la nuit. Je crois que l’armée doit être divisée en deux catégories. L’armée qui combat. Et l’armée qui marche et lave des fenêtres, et je suis indubitablement tombé dans la seconde catégorie. »
    –  Les Juifs ont d’énormes capitaux en France et en Allemagne, dit une autre voix. Ils sont à la tête de toutes les banques et de tous les bordels de Berlin et de Paris, et Roosevelt a décidé qu’il fallait qu’on aille protéger leur pognon. Alors on a déclaré la guerre.
    La voix était forte et artificielle, les paroles, décochées comme des projectiles à la tête de Noah. Mais Noah ne leva pas la tête.
    « J’ai lu dans les journaux, écrivait-il, que cette guerre est une guerre de matériel, mais mon seul matériel actif n’a été, jusqu’alors, qu’un seau et une grosse éponge… »
    –  Ils ont un Comité international, continua la voix, qui se réunit périodiquement en Pologne, dans une ville appelée Varsovie, et d’où ils envoient des ordres dans le monde entier : achetez ceci, vendez cela, combattez ce pays-ci, combattez ce pays-là… Une vingtaine de vieux rabbins barbus…
    –  T’as entendu, Ackermann ? dit une autre voix.
    Noah regarda les joueurs de poker. Tous étaien t tournés vers lui. Tous ricanaient, les yeux brillants de haine et de jubilation.
    –  Non, dit Noah, je n’ai rien entendu.
    –  Pourquoi ne viens-tu pas t’asseoir avec nous, dit Silichner avec une politesse outrée. Nous sommes en train de discuter entre amis.
    –  Non, merci, dit Noah, je suis occupé.
    –  On aimerait savoir, continua Silichner – il était du Milwaukee et avait un léger accent allemand, comme s’il l’avait parlé étant petit, et n’avait jamais pu s’en débarrasser complètement, – on aimerait savoir comment tu t’es débrouillé pour te laisser coincer. Qu’est-ce qui s’est passé ? Y avait pas de Juifs dans la commission ?
    Noah baissa les yeux vers sa main, et la feuille de papier qu’elle tenait. « Elle ne tremble pas, constata-t-il, stupéfait, elle est ferme comme un roc. »
    –  J’ai entendu parler, dit une autre voix, d’un Juif qui s’était engagé.
    –  Non ! dit Silichner, émerveillé.
    –  Parole d’homme. Ils l’ont empaillé et mis au Musée.
    Tous les autres éclatèrent de rire. Un rire qui sonnait horriblement faux.
    –  Je

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