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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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Ça va mieux, maintenant ?
    Un lit craqua à l’autre bout de la pièce. Désormais habitués à l’obscurité, les yeux de Michael distinguèrent, sur l’un des lits jumeaux, une silhouette indistincte qui allongeait un bras entre les lits, vers la table de chevet. Il y eut le son caractéristique d’une tasse heurtant une soucoupe. La silhouette leva la tasse et but.
    –  Humi… liation.
    Les deux moitiés du mot ponctuèrent deux longs prélèvements sur le contenu de la tasse, et Michael reconnut Arney, assis, jambes pendantes, sur le bord du lit. Arney se pencha, faillit choir et regarda le lit voisin.
    –  Tommy, dit-il. Tommy, es-tu réveillé ?
    –  Oui, monsieur Arney, dit, de son oreiller, la voix ensommeillée d’un garçon de dix ans.
    C’était le fils des Johnson, dans la maison desquels ils se trouvaient actuellement.
    –  Bonne année, Tommy.
    –  Bonne année, monsieur Arney.
    –  Je ne veux pas te déranger, Tommy. La société des adultes m’écœurait et je suis venu juste souhaiter une bonne année à la nouvelle génération.
    –  Merci beaucoup, monsieur Arney.
    –  Tommy…
    –  Oui, monsieur Arney.
    Tommy était complètement éveillé, maintenant, et s’animait de seconde en seconde. Michael sentait Louise étouffer de courts accès de rire, contre lui, et il était à demi amusé, à demi ennuyé, d’être ainsi contraint au silence, dans l’obscurité de cette chambre.
    –  Tommy, disait Arney, veux-tu que je te raconte une histoire ?
    –  J’aime beaucoup les histoires, dit Tommy.
    –  Voyons un peu…
    Arney porta de nouveau la tasse à ses lèvres.
    –  Voyons un peu. Je ne connais pas d’histoires convenables pour les enfants.
    –  J’aime n’importe quel genre d’histoire, protesta Tommy. J’ai lu l’Homme maigre la semaine dernière.
    –  Très bien, consentit majestueusement Arney ; je vais te raconter une histoire qui n’est pas faite pour les enfants, Tommy. L’histoire de ma propre vie.
    –  Avez-vous jamais été assommé par la crosse d’un 45 ? demanda Tommy.
    –  N’anticipons pas, Tommy, coupa l’auteur, irrité. Si j’ai été assommé par la crosse d’un 45, ça viendra en son temps.
    –  Je regrette, monsieur Arney.
    La voix de Tommy était polie et offensée.
    –  Jusqu’à l’âge de vingt-huit ans, commença Arney, j’ai été un jeune homme de beaucoup d’avenir…
    Gêné, Michael s’agita. Il se sentait honteux et idiot de devoir écouter cette histoire, mais Louise lui pressa le bras, et il se tint tranquille.
    –  J’ai fréquenté de bonnes écoles, comme ils disent dans les romans. Je travaillais dur et j’étais capable de reconnaître n’importe quelle citation des poètes anglais. Tu veux boire quelque chose, Tommy ?
    –  Non, merci.
    Fasciné, Tommy s’était assis dans son lit.
    –  Tu es probablement trop jeune pour te souvenir des critiques de ma première pièce, Tommy : le Long et le Court. Quel âge as-tu, Tommy ?
    –  Dix ans.
    –  Trop jeune.
    La tasse heurta la soucoupe.
    –  Je pourrais t’en citer quelques-unes, mais elles risqueraient de t’ennuyer. Je puis dire pourtant sans aucune vanité, que j’ai été comparé à Strindberg et O’ Neil. Tu as entendu parler de Strindberg, Tommy ?
    –  Non, monsieur.
    –  Que diable enseignent-ils aux enfants, dans les écoles ?
    La voix d’Arney était irritée et tranchante. Il but une autre gorgée de « thé ».
    –  L’histoire de ma vie, Tommy, annonça-t-il, partiellement rasséréné. J’étais invité dans toutes les plus grandes maisons. J’avais un compte dans quatre des boîtes les plus chères de New York City. Ma photo a paru dans les journaux en de nombreuses occasions, et l’on me demandait à chaque instant de prendre la parole devant des comités et des organisations artistiques. Je cessai de parler à tous mes vieux amis, et ceci soulagea un peu mon emploi du temps. Puis, je partis pour Hollywood où, pendant de nombreuses années, je gagnai trois mille cinq cents dollars par semaine, avant l’institution de la taxe sur le revenu. Puis je découvris la bouteille, Tommy, et épousai une femme qui avait une maison à Antibes, en France, et une distillerie à Milwaukee. Je la trompai en 1931 avec sa meilleure amie, et ce fut une erreur, car la dame en question était aussi osseuse qu’une truite de montagne…
    Il aspira bruyamment une gorgée d’alcool, et Michael comprit qu’il

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