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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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moi, et on pourra faire notre petite fête, nous aussi. Embrasse-moi une fois, mon chou.
    De nouveau, elle se pencha et ferma les yeux d’un air décidé. Noah l’embrassa. Ses lèvres étaient douces et son rouge avait goût de groseille, en plus du gin et de l’oignon.
    –  J’ai hâte d’y être, mon chou.
    Elle sauta du tabouret, sans trébucher, lui prit le bras, et tous deux se dirigèrent, le verre à la main, vers l’autre extrémité du bar.
    Les deux marins les regardèrent venir. Ils étaient très jeunes, et ils avaient un air perplexe, désappointé.
    –  Faites attention à mon copain, les prévint la femme. C’est un Indien sioux.
    Elle embrassa Noah dans le cou, derrière l’oreille.
    –  Je reviens tout de suite, mon chou, dit-elle, je vais me refaire une beauté pour que tu m’aimes.
    Elle frétilla et pressa sa main dans sa paume moite. Puis elle s’éloigna, avec sa démarche exagérément onduleuse, les fleurs de sa robe jaune dansant sur son derrière gainé, dans la direction des lavabos.
    –  Qu’est-ce qu’elle te racontait ? demanda le plus jeune des deux marins.
    Il avait ôté son calot, et ses cheveux étaient coupés ai court qu’ils ressemblaient au premier duvet poussé sur le crâne d’un nouveau-né.
    –  Elle dit, répliqua Noah, qui se sentait puissant et sur ses gardes, elle dit que vous voulez la voler.
    Le marin qui avait encore son calot sur la tête ricana.
    –  La voler ! ça, c’est violent ! C’est plutôt le contraire, frangin.
    –  Vingt-cinq dollars, dit le jeune marin. Vingt-cinq dollars par tête, qu’elle demandait . Elle dit qu’elle l’a jamais fait avant et qu’elle est mariée et qu’avec les risques qu’elle court, elle veut être payée.
    –  Pour qui se prend-elle ? demanda l’homme au calot. Combien t’a-t-elle demandé ?
    –  Rien, dit Noah.
    Il se sentait absurdement fier.
    –  Et elle fournit une bouteille de quatre roses par-dessus le marché. Qu’est-ce que vous dites de ça ?
    L’aîné des deux marins se tourna amèrement vers son compagnon.
    –  Tu vas avec elle ? demanda le plus jeune, avidement. Noah secoua la tête.
    –  Non.
    –  Pourquoi ?
    Noah haussa les épaules.
    –  Je ne sais pas.
    –  Ben, mon vieux, dit le plus jeune. Tu dois avoir ce qui te faut.
    –  Ah ! dit l’autre, barrons-nous d’ici. Santa Monica… !
    Il posa sur son compagnon au crâne de nouveau-né un regard accusateur.
    –  On aurait aussi bien fait de rester à la base.
    –  La base ? s’informa Noah.
    –  San Diego. Mais il…
    Un pouce amer et ironique désigna le plus jeune marin.
    – Mais il avait arrangé quelque chose pour nous à Santa Monica. Deux veuves dans un domicile particulier. C’est la dernière fois que je te laisse me mener en bateau.
    –  C’est pas de ma faute, gémit le plus jeune. Je pouvais pas savoir qu’elles étaient pas sérieuses. Je pouvais pas savoir que c’était une fausse adresse.
    –  On a marché pendant trois heures dans cette vacherie de brouillard, reprit l’autre, à la recherche de cette fausse adresse. Le premier de l’ An  ! J’ai passé de meilleurs premiers de l’ An quand j’avais sept ans, à la ferme, en Oklahoma. Viens… Je fiche le camp.
    –  Et celui-là ?
    Noah toucha l’ivrogne dont la tête reposait toujours paisiblement sur le zinc.
    –  Elle l’a amené, elle peut le remporter.
    Le jeune marin remit son petit calot blanc d’un air profondément résolu, et les deux jeunes gens gagnèrent la sortie.
    –  Vingt-cinq dollars ! s’exclama le plus vieux, une dernière fois, en claquant la porte.
    Noah attendit un instant, puis tapota amicalement l’épaule de l’ivrogne endormi et suivit les deux marins. Il resta un instant devant la porte, respirant l’air humide et ouaté. Sous un réverbère, à quelque distance, il apercevait les deux silhouettes bleues, qui s’estompaient lentement, traînantes et découragées, dans le brouillard. Il tourna les talons et s’éloigna dans l’autre direction. Le whisky qu’il venait de boire battait agréablement et musicalement dans sa tête.
    Noah ouvrit silencieusement la porte avec une désinvolture calculée, et entra dans la pièce obscure. Il y retrouva l’odeur. Il avait oublié cette odeur. Alcool, spécialités pharmaceutiques ; une odeur douceâtre et lourde… Il chercha le commutateur, à tâtons. Il sentit tressauter les nerfs de sa main et buta sur une chaise

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