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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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fugitif, en pensant à quel point cette permission et cet endroit devaient paraître plus chers à un homme qui était revenu des cieux meurtriers qu’à lui-même, vil policeman militaire, qui était seulement revenu du grand lit de Corinne et sans avoir reçu d’autres blessures que celles causées par la langue acérée du lieutenant Hardenburg. « Il faut que j’aille voir le colonel Meister, au ministère de la Guerre, pensa-t-il sans conviction, pour envisager avec lui la possibilité de mon transfert dans une unité combattante, en Russie. Plus tard, vers la fin de la semaine, quand j’aurai vu quelle tournure auront pris les choses… »
    Christian ouvrit le journal à la page consacrée à la musique. Il y avait quatre concerts prévus pour la soirée ; et il remarqua, avec un amusement nostalgique, que le quintette pour clarinettes de Mozart était mentionné au programme. « Voilà où je vais aller, pensa-t-il, c’est la meilleure manière d’attendre minuit. »
    Le planton de service dans le hall avait un message pour lui.
    –  La dame du quatrième m’a dit de vous ouvrir la porte. Elle n’est pas encore rentrée.
    Ils montèrent ensemble dans l’ascenseur, avec des visages également graves et impassibles.
    –  Bonne nuit, sergent, dit le planton d’un ton naturel après avoir ouvert la porte de l’appartement à l’aide d’un passe-partout.
    Christian entra lentement. Une lampe était restée allumée, et les rideaux étaient tirés. La pièce avait été rangée depuis qu’il l’avait quittée. Elle était élégante, avec des lignes angulaires et modernes. « En regardant Hardenburg, pensa Christian, on n’aurait jamais pensé qu’il puisse habiter dans un appartement semblable. On aurait plutôt imagin é de vieux meubles sombres et imposants, des chaises non rembourrées, de la peluche et du noyer ciré. »
    Christian s’allongea sur le canapé. Il était fatigué. La musique l’avait ennuyé. Il avait fait trop chaud, dans la salle de concert surpeuplée. Après les premiers instants de plaisir, il avait dû lutter contre une forte envie de dormir. Mozart lui avait semblé anodin, insipide, et, lorsqu’il avait fermé les yeux, des visions de M me  Hardenburg, gracieuse et nue, s’étaient interposées entre lui et la musique. Il s’étira voluptueusement sur le canapé, et s’endormit.
    Un bruit de voix l’éveilla. Il ouvrit les yeux, battit des paupières. M me  Hardenburg et une autre femme étaient debout devant lui et le regardaient en souriant.
    –  Pauvre sergent fatigué ! disait M me  Hardenburg.
    Elle se pencha vers lui et l’embrassa. Elle portait un lourd manteau de fourrure, et son haleine sentait l’alcool. Ses pupilles étaient sombres et dilatées. Elle était ivre, mais parfaitement maîtresse d’elle-même. Elle posa sa tête sur l’épaule de Christian.
    –  J’ai amené une amie, chéri. Le sergent Diestl, Éloïse.
    Éloïse lui sourit. Ses yeux brillaient, aussi, d’un éclat vague, bizarrement liquide. Elle s’assit soudain dans un grand fauteuil, sans prendre la peine d’ôter son manteau.
    –  Éloïse habite trop loin pour rentrer chez elle ce soir, dit M me  Hardenburg. Elle va rester avec nous. Elle te plaira beaucoup et tu lui plais déjà. Je lui ai parlé de toi.
    Elle se releva, étendit les bras, les larges manches de son manteau pendantes à ses poignets.
    –  Comment le trouvez-vous, sergent ? demanda-t-elle. Est-ce qu’il n’est pas beau ?
    –  Magnifique, dit Christian.
    Il se redressa, déconcerté. Il ne pouvait s’empêcher de contempler Éloïse, allongée dans son fauteuil. Elle aussi était blonde, mais plus grasse et probablement moins ferme.
    –  Bonjour, sergent, dit Éloïse. Joli sergent.
    Christian se frotta les yeux. « Il est temps que je file d’ici, pensa-t-il, ce n’est pas un endroit pour moi. »
    –  Tu ne doutes pas du mal que j’ai eu, gloussa M ME Hardenburg, pour empêcher le colonel de venir ici.
    –  À son prochain voyage en Russie, dit Éloïse, il m e rapportera un manteau de fourrure, à moi aussi.
    –  Quelle heure est-il ? demanda Christian.
    –  Deux ou trois heures, répondit M me  Hardenburg.
    –  Quatre, rectifia Éloïse en consultant son bracelet-montre. Temps d’aller se coucher.
    –  Je crois, dit prudemment Christian, que je ferai mieux de vous laisser…
    –  Sergent !…
    M me  Hardenburg lui dédia un regard plein de reproche et

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