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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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travailler à sa perte !
    J’avais à peine prononcé ces mots que je réalisai à quel point ils sonnaient creux. Ils ne servaient qu’à masquer l’incertitude que Norbert avait fait naître en moi, et qui bourgeonnait déjà. Je crachai au visage du faible vieillard et le projetai dans son fauteuil, où il atterrit comme un pantin désarticulé.
    —    Cette conversation est terminée, vieux fou, grondai-je, essoufflé. Appelle ton estafier pour qu’il m’embroche sur-le-champ. Je m’en fiche. Je ne jouerai pas une seconde de plus. Et ne me menace pas d’occire mes compagnons pour me contraindre à te remettre la première part. En se joignant aux Neuf, ils ont tous accepté la mort. Malgré les airs que tu te donnes, tu as perdu.
    Norbert se redressa de son mieux et essuya dignement la glaire que j’avais projetée sur sa joue, mais ne fit aucun geste pour appeler à l’aide. Il se contenta de m’adresser l’ombre d’un sourire tel un grand-père bienveillant.
    —    Je peux comprendre ta révolte, Gondemar, dit-il d’un ton posé et apaisant. Tu as l’impression d’avoir été manipulé comme un pion sur l’échiquier, ce qui est très proche de la réalité. Tu te sens floué. Un homme de ta trempe n’apprécie guère l’humiliation. À ta place, j’éprouverais les mêmes sentiments.
    Il se mit à tousser et se retrouva plié en deux. L’espace d’un instant, je regrettai presque d’avoir malmené un ancêtre malingre et sans défense.
    —    Réfléchis au lieu de t’emporter comme un forcené, reprit-il lorsqu’il eut retrouvé un peu de son souffle. Tu réaliseras que je dis vrai. Quoi que tu en penses, je suis le Cancellarius Maximus et depuis ton entrée dans les Neuf, je suis chacun de tes pas. Mes hommes sont mes yeux et mes oreilles.
    Abattu, je me laissai retomber dans mon fauteuil. J’avais beau me rebeller, je ne trouvais aucune faille dans ce que le vieil homme m’avait déclaré. Depuis ma résurrection, jamais je ne m’étais senti aussi seul. Raynal et Véran avaient trahi la cause. Les croisés avaient infiltré les Neuf. Mes compagnons étaient prisonniers. Selon toute vraisemblance, ma tendre Cécile allait bientôt mourir. Et moi, j’étais entre les mains de cet inconnu qui savait tout de moi. Si Norbert de Craon était bien le Cancellarius Maximus, alors il avait joué double jeu depuis le début. Il avait manipulé les Neuf pour causer la perte de la Vérité. Mais pour quels motifs ? Au profit de qui ?
    Cette fois, il n’y avait plus rien à faire. J’étais vaincu. Il ne me restait qu’à mourir en espérant que la première part reste en sécurité et que Dieu soit indulgent.
    —    Ce que tu dois bien entendre, Gondemar, c’est que, stricto sensu, personne ne t’a trahi, dit-il, comme s’il avait lu dans mes pensées. Chacun de mes collaborateurs jouait son rôle, comme tu as joué le tien. Tous se sont conduits avec honneur et sincérité. Toi le premier. Il se trouve seulement que nos causes respectives sont irrémédiablement liées. Elles sont les deux faces de la même monnaie, en quelque sorte.
    —    Qui ? demandai-je, au bord des larmes, en souhaitant de toutes mes forces ne pas entendre le nom qui me venait sans cesse en tête. Qui a trahi ?
    Norbert fit la moue et hésita un peu avant de me répondre. Puis il sembla décider que j’avais au moins droit à une réponse franche.
    —    Véran de Raffle, comme tu le sais, admit-il. Avant même d’être des Neuf, il était des nôtres. Dès son retour de Terre sainte, il a été mes yeux et mes oreilles à Montségur. Lorsque Ravier, malade, l’a envoyé à Toulouse pour s’enquérir de la manière dont il devait éventuellement être remplacé, c’est moi qu’il est venu consulter et c’est ma réponse qu’il lui a rapportée. C’est aussi sur mon ordre qu’il a trahi l’Ordre pour s’allier avec Montfort.
    Je hochai la tête, écœuré. Une fois de plus, le vieillard me confirmait sans sourciller qu’il se tenait du côté des croisés. Il avait placé un de ses agents auprès de Montfort pour s’assurer que la Vérité tomberait entre les mains du pape.
    —    Et Raynal ? Tu le contrôlais, lui aussi ? m’enquis-je.
    —    Non, Raynal n’était qu’un filou qui travaillait pour son propre compte. J’ai appris qu’il avait volé les documents bien plus tard, par Véran. Heureusement, tu as entravé ses plans.
    —    Mais cela faisait ton

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