Le Baptême de Judas
chevauchait près de lui et l’aidait à se maintenir en selle, il chancelait et avait peine à garder les yeux ouverts.
La journée s’écoula dans une amère résignation. J’avais compté sur la fuite d’Ugolin et de Pernelle pour prévenir Eudes dans le Sud. Mon ami avait payé chèrement la tentative. À moins qu’une occasion imprévue ne survienne, j’étais condamné à me rendre à Carcassonne et eux aussi. Que je le veuille ou non, leur destin était lié au mien. Jusqu’à son terme.
Au rythme des pas de Sauvage, j’eus amplement le temps de réfléchir. La situation était loin d’être rose et, pourtant, Métatron m’était apparu. Or, l’archange était avare de sa présence. Avec le recul, je réalisais que chacune de ses manifestations avait annoncé un point tournant dans ma quête. À Béziers, il m’avait prévenu que mon aventure débutait vraiment. La Vérité vient vers toi, Gondemar de Rossal. Et elle était venue par l’intermédiaire de Pernelle, qui m’avait sauvé la vie avant de me révéler le monde des cathares. À Toulouse, il s’était emparé du corps de la mendiante pour me prévenir de ne pas m’attacher à Cécile. Ne te laisse pas détourner de ta voie par ceux que tu crois aimer ! Ne te laisse pas séduire par une existence que tu ne peux avoir ! Tu n’en as ni le temps, ni le droit ! À cause de ma désobéissance, mon amour menaçait maintenant de causer la perte de la Vérité - et celle de mon âme. Combien de fois s’était-il insinué dans mes songes pour m’admonester ou me remettre sur la bonne voie ? Voilà quelques mois encore, n’avait-il pas utilisé ce moyen pour me prévenir que la seconde part était en péril à Gisors ? J’avais tenu compte de son avertissement, certes, mais sans le comprendre. Il ne parlait jamais simplement. Tout ce qui sortait de sa bouche n’était que parabole. Nonobstant cela, il avait vu juste et la seconde part était perdue.
En y songeant, je réalisais que, dès notre première rencontre, Métatron avait été clair sur son rôle. Je porte la voix de Dieu et j’annonce sa volonté aux hommes, m’avait-il déclaré. Il était un messager, tout simplement, tel que l’avait annoncé la mendiante dans l’un de mes songes. Il ne choisissait pas de se manifester à moi. Il le faisait parce qu’il obéissait à son maître, Dieu. L’archange éprouvait un dégoût palpable pour moi, mais pouvais-je l’en blâmer ? À cause de cela, sans doute, je l’avais perçu comme un adversaire, un tortionnaire qui prenait plaisir à me tourmenter. Peu à peu, la haine s’était substituée à la terreur. Je n’avais pas voulu voir qu’il était mon allié, ni su comprendre ses avertissements et ses directives. J’étais trop têtu. Trop orgueilleux. Les circonstances impossibles dans lesquelles je me trouvais étaient ma propre création, pas la sienne. Mes choix m’y avaient mené. Je n’avais personne à blâmer sinon moi-même. Peut-être était-il temps que je commence à tenir compte du maudit castrat, même s’il me faisait frémir de dégoût.
Ses plus récentes paroles me revinrent en tête. À l’intérieur d’une année, tu auras décidé entre le paradis et l’enfer. Je m’autorisai à en concevoir un soupçon d’espoir.
Le soleil amorçait sa descente vers l’ouest lorsqu’un cavalier vint prendre place à mes côtés. Je n’eus pas à regarder pour deviner de qui il s’agissait.
— C’était une très mauvaise idée, déclara Guillaume des Barres.
— Quoi donc ? m’enquis-je en feignant l’innocence.
Il tourna la tête dans ma direction. Dans ses yeux, je ne perçus aucune haine. Seulement de la contrariété.
— Allons donc, Gondemar, soupira-t-il. Rien ne sert de prétendre l’ignorance. Le géant et la Parfaite te sont entièrement dévoués. Jamais ils n’essaieraient de s’enfuir de leur propre chef en te laissant derrière. S’ils l’ont fait, c’est que tu le leur as ordonné.
Je me contentai de faire la moue sans me commettre.
— Je ne m’attendais pas à moins de ta part, poursuivit-il. Seuls les faibles acceptent la défaite sans réagir et tu n’en es pas un. Mais j’avoue que ta naïveté m’étonne. Tu ne croyais tout de même pas qu’ils avaient la moindre chance de succès ? Nuit et jour, tout comme toi, ils sont guettés par des dizaines de paires d’yeux. Leur moindre vesse est humée par autant de nez.
— Qui ne risque
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