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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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déchirer la gorge à mains nues et de m’abreuver de son sang pour ensuite le lui cracher au visage, je me contentai d’acquiescer docilement de la tête. Quoi qu’il advienne, je ne permettrais pas que Cécile soit martyrisée et il le savait. Sinon, j’aurais agi différemment à Gisors.
    —    Maintenant, va, finit-il. Il reste déjà un jour de moins à tes trois semaines.
    Deux gardes me retirèrent les fers qui entravaient mes poignets et mes chevilles. Enfin libre, je pus revêtir la capeline qui me suivait depuis Gisors. Puis un soldat s’approcha et me passa un collier de fer au cou, le verrouilla et en remit la clé à Véran. Un câble long d’une vingtaine de coudées y était attaché. Le templier le saisit solidement de sa main gauche. Je compris que c’était en laisse, comme un animal, que je me rendrais à Montségur. Montfort m’humilierait de son mieux jusqu’au bout.
    Je massai distraitement mes membres meurtris, n’ayant d’yeux que pour Cécile, qui pleurait doucement, avilie. Elle dut sentir le poids de mon regard, car elle releva la tête, m’offrant des yeux brillants de larmes et une lippe tremblante qui me brisèrent le cœur. Inconsciemment, elle avait porté ses mains à son ventre vide. Son air de petite fille fragile n’avait plus rien à voir avec la jeune femme confiante et forte que j’avais connue. Elle était redevenue une enfant à qui on avait fait du mal. Trop de mal. L’élan d’amour que je ressentis alors pour elle me surprit moi-même et ma gorge se crispa pour étouffer le sanglot qui menaçait de s’en échapper. J’aimais Cécile. Je le savais depuis le premier jour. Notre amour était impossible, mais il m’avait pourtant été offert. Dieu voulait-il ainsi me tourmenter ou m’aider à sauver mon âme ? Je ne pourrais jamais le dire. Je savais, par contre, que je donnerais tout pour elle sans aucune hésitation. Ma vie, mon âme, tout.
    Elle me sourit courageusement.
    — Fais ce que dois, Gondemar, dit-elle d’un ton décidé. Dieu nous mènera à bonne fin.
    À ces mots, une pensée me vint soudain, sortie de je ne sais où. Une inspiration. Une illumination. Une épiphanie. Et si, depuis trois ans, j’avais poursuivi une ombre ? Si la Vérité était plus que quelques vieux documents et un suaire ? Si elle transcendait les choses temporelles ? Si l’amour d’un autre, pur et sincère, représentait ce qu’un damné devait apprendre pour sauver son âme ? Si mon salut résidait dans ma loyauté envers Cécile ? Si les documents n’étaient que le révélateur de quelque chose de plus fondamental ? Après tout, hormis l’affection que j’avais donnée à Pernelle et à Bertrand de Montbard, la voie que j’avais suivie était celle de la haine et de la violence. Elle m’avait mené en enfer. Ma seconde vie avait exigé de moi que je devienne quelqu’un d’autre. Quelqu’un de meilleur. Sans que je m’en rende compte, la conscience qui m’avait été imposée en enfer était devenue mienne. Ma nature avait changé. Tu as l’âme d’un guerrier, avait dit Métatron. Tu aimes le combat et le triomphe. Ton cœur s’est durci au fil de ton existence. Tu es devenu violent, mais tu sais aussi planifier. Tu es froid et efficace. Tu ne crains pas la solitude, mais tu as aussi du courage. Beaucoup de courage. De plus, il reste en toi une étincelle de bonté qui mérite d’être sauvée. Ces caractéristiques, tu les as laissées mener ta vie et c’est le pire en toi qui t’a conduit ici. Maintenant, tu devras mettre ton bras au service du Bien. Était-ce ce qu’il avait voulu dire ? Ce Bien auquel il faisait allusion, était-ce en moi que je devais le trouver ? Cécile en était-elle le véhicule ? Le révélateur ?
    Suis le chemin du Sud, qui mène vers la ville des saints. Tu y trouveras la Vérité. Ou plutôt, elle te trouvera. Jamais l’archange n’avait affirmé spécifiquement que je découvrirais la Vérité à Béziers. Il m’avait seulement ordonné d’en suivre la route. Toulouse aussi était dans le Sud. Or, n’était-ce pas là que j’avais connu Cécile ? N’était-ce pas elle qui, la première, m’y avait abordé ? Ne s’était-elle pas glissée dans ma chambre avant la première sortie contre Montfort ? N’était-ce pas elle qui, la première, m’avait déclaré son amour ? N’était-elle pas venue, de son propre chef, vers un damné qui ne s’autorisait pas à aimer ? Je n’avais pas trouvé Cécile de

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