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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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Foix ; c’était elle qui m’avait trouvé. Au fond, l’amour qu’elle me portait ne représentait-il pas, autant que les parchemins et l’image de Ieschoua vivant, et peut-être plus encore, ma planche de salut ? Au pire, les deux étaient-ils indissociables ? La Vérité se trouvait-elle en moi autant que dans la cassette d’Esclarmonde ?
    Pour la première fois depuis le début de ma seconde vie, j’avais l’impression qu’une étincelle de lumière brillait dans mon cœur fatigué. Ton âme est noire comme la nuit, Gondemar de Rossal. À toi d’apprendre à voir la lumière, avait affirmé l’archange. Venais-je enfin d’y parvenir, au moins un peu ? Si oui, aucun doute n’était possible. Je savais désormais ce que je devais faire : trouver une façon de préserver la première part de la Vérité, avec ou sans l’aide des Neuf, et la vie de Cécile. La manière importait peu. Si j’avais vu juste, je trouverais. Peut-être même Dieu me viendrait-il en aide.
    Le regard éperdu de ma douce amie était toujours braqué sur moi et semblait me fouiller jusqu’au fond de l’âme. Après avoir perdu notre enfant, elle me perdait une nouvelle fois. Je lui adressai un demi-sourire.
    — Je souhaite surtout qu’il te garde, répondis-je en luttant contre mon envie de franchir la distance qui nous séparait pour la serrer contre moi.
    Elle allongea le bras vers moi et je fis de même. J’eus le sentiment que nos âmes émanaient du bout de nos doigts pour se toucher, se lover l’une dans l’autre. J’exhalai profondément et constatai que mon souffle tremblait d’émotion. Sans étirer davantage mon calvaire, j’enfourchai Sauvage, qui s’en réjouit en hennissant avec enthousiasme et en piaffant sur place. Véran attacha le câble au pommeau de sa selle. Ensemble, nous entraînâmes nos montures dans un demi-tour et quittâmes la cour du château sans nous retourner. Jusqu’à ce que j’aie franchi la porte, je sentis les regards qui me brûlaient la nuque : ceux, narquois, de Montfort et d’Arnaud Amaury, et celui, à la fois doux et meurtri, de Cécile.
    Nous quittâmes Carcassonne côte à côte. Attaché comme une bête de somme à la monture de Véran, sans armes, je ne pouvais que le suivre docilement. Pour l’instant en tout cas. Si je portais toujours un poids sur les épaules, sa nature avait soudainement changé. Après trois longues années d’incertitude et de souffrance, j’avais l’impression de voir clair. La destruction du suaire m’était plus aisée à supporter.
    Je suivais Véran, quelques coudées derrière lui, ma laisse tirant sans cesse sur le collier qui m’écorchait la peau. Elle entravait notre progression et nous ne pûmes avancer qu’au trot, au grand désagrément de Sauvage qui avait les jambes fraîches après quelques jours de repos et qui avait envie de se lancer dans un long galop. Néanmoins, Carcassonne fut vite loin derrière nous. Nous chevauchions dans un lourd silence, ni lui ni moi n’éprouvant le besoin ou l’envie de converser. De quoi aurions-nous pu parler ? Nous étions désormais des ennemis jurés et je savais que je devrais l’occire à la première occasion. Je ne doutais pas qu’il en était conscient, lui aussi, et que, le cas échéant, il me rendrait la pareille.
    Nous contournâmes Fanjeaux, Montréal et nombre d’autres villages que les croisés occupaient depuis quelques années déjà. Chacun était un tribut à l’efficacité et à la barbarie de la croisade, qui était en voie d’annihiler non pas une hérésie, mais une civilisation entière. Il suffisait de parcourir le Sud, comme je l’avais fait à quelques reprises, pour s’en rendre compte. Les villages en ruine ou désertés, l’air hagard des habitants, tout indiquait que la fin approchait. Les cathares pouvaient résister de toutes leurs forces, ils n’avaient aucune chance de survivre. Tôt ou tard, dans quelques années ou quelques décennies, si le pape maintenait la pression, ils ne seraient plus. Montségur tomberait sans doute la dernière, mais elle finirait par être prise, elle aussi.
    Véran eut à montrer notre sauf-conduit à quelques reprises à des patrouilles de croisés et expliqua calmement que j’étais un prisonnier du sieur de Montfort, ce qui nous évita toute question inopportune. Lorsque nous atteignîmes le terrain montagneux que je connaissais bien pour l’avoir déjà parcouru, au début de cette folle aventure, le soleil

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