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Le bâton d'Euclide - Le roman de la bibliothèque d'Alexandrie

Le bâton d'Euclide - Le roman de la bibliothèque d'Alexandrie

Titel: Le bâton d'Euclide - Le roman de la bibliothèque d'Alexandrie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Luminet
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côté celle de l’imprimeur Froben, de l’autre celle du peintre Durer.
    — Allons, c’est ici que nous nous quittons, Nikolaus, dit Faust. Mon aîné Martin Béhaïm m’attend. J’ai hâte de voir sa joie quand je lui offrirai cette carte de la Chine qu’a dessinée pour moi mon ami Chu Su Pen, citoyen de la plus grande ville du monde, Hangzhou. Ah, j’oubliais, vieux compagnon ! Voici mon cadeau : cette canne de bois sculptée et ouvragée. Non, ce n’est pas le thyrse de Bacchus, mais une œuvre d’art de grande valeur. Je la tiens d’un ami grammairien de Bagdad qui se flatte d’être le descendant de l’astronome Al Battani. Fais-en bon usage.
    — Ne va pas me faire croire, Johannes, que ton cadeau est le bâton d’Euclide dont tu m’as rebattu les oreilles. Je ne suis pas aussi naïf.
    — T’ai-je dit quelque chose allant dans ce sens ?
    — Certes non ! Mais on peut rêver ! s’exclame Copernic en riant. Tiens, la canne sonne creux. Y aurait-il quelque trésor inconnu caché à l’intérieur ?
    — Tu verras bien, l’ami, tu verras bien.
    — Hé, encore une chose avant que tu ne disparaisses, mon cher Faust : selon toi, franchement, qui a brûlé la Bibliothèque d’Alexandrie ?
    — Le feu, Nikolaus, le feu, tout simplement. Pourquoi pas le feu du Phare quand il s’est effondré un jour que la terre tremblait un peu plus que d’habitude ? Le feu, et le temps qui passe – le plus dévoreur de tous les feux. C’est du moins ce qu’a raconté jadis le voyageur andalou Ibn Battûta. Un musulman qui est allé jusqu’en Chine.
    Faust refuse le petit tabouret que tend à ses pieds un garçon d’écurie. D’un bond, il saute sur la chaussée pavée de bois et claque derrière lui la portière armoriée au blason de l’évêque de Warmie. Il fait quelques pas vers la demeure de son frère, puis sa colossale silhouette un peu voûtée s’arrête. Sans se retourner, il lève un bras qui paraît immense, agite la main en signe d’adieu, très haut vers le ciel, comme s’il voulait décrocher le soleil, et lance d’une voix forte :
    — La paix sur toi, Nikolaus Copernic !

Postface

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    Vous venez de lire un roman et non pas un essai historique. C’est la raison pour laquelle je ne citerai pas les (nombreuses) sources que j’ai consultées ni ne donnerai de bibliographie. Je rends cependant hommage au livre de Luciano Canfora, La Véritable Histoire de la bibliothèque d’Alexandrie (Desjonquères, 1986), qui m’a beaucoup inspiré.
    Certains lecteurs curieux se demanderont malgré tout quelle est la part entre la réalité historique et la fiction romanesque. Les compléments qui suivent leur sont destinés. Les biographies des savants et des érudits résument celles que l’on peut trouver dans toutes les bonnes encyclopédies. Le tableau synoptique des rois et des savants permet de situer les chronologies parallèles des événements politiques et des personnages. Quant aux « notes savantes », destinées aux amateurs de géométrie et d’astronomie, elles explicitent certaines des grandes découvertes accomplies par les savants alexandrins. (Voir Annexes)
    Au-delà de ces quelques jalons reconnus par (presque) tous les historiens, il est utile de rappeler qu’aucune « vérité » historique sur ces temps anciens n’est fermement établie. Les récits relatifs à la Bibliothèque d’Alexandrie et aux personnages qui y ont été mêlés fourmillent, mais la plupart sont des témoignages tardifs. En outre, les historiens du passé étaient fortement soumis au poids des idéologies, au point que leur façon de raconter l’Histoire n’avait pas l’objectivité qui est devenue de mise chez les savants historiens d’aujourd’hui : tels ennemis de Rome ont accusé César d’avoir incendié la Bibliothèque, tandis que tels autres ont attribué l’effroyable crime aux Arabes, aux Byzantins ou bien aux Chrétiens.
    Une réalité historique aussi incertaine laisse quelque latitude au romancier… Latitude que j’ai amplement mise à profit ! Les personnages du roman ont-ils réellement existé ? La réponse est oui, à l’exception de cette Hypatie du VII e siècle qui, dans mon récit, influe beaucoup sur la décision finale de l’émir Amrou. Mais il n’est pas certain que le philosophe chrétien Jean Philopon, l’infatigable commentateur d’Aristote bien connu des historiens et des philologues, ait été encore en vie lors de la conquête

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