Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
Vom Netzwerk:
fussent sonnées. Marie n’était pas venue seule !
Sa suite était imposante.
    Parmi ses demoiselles d’honneur, j’avais remarqué une jeune
fille brune aux yeux noirs brillant tout à la fois de malice et de
détermination. Ses fines mains virevoltaient comme de petits oiseaux folâtres,
elle était toujours vêtue de robes écarlates au décolleté provocant et avait un
cou long et gracile. On sentait que cette jeune fille avait du caractère. On la
devinait obstinée, ambitieuse, manipulatrice, d’une force et d’une volonté peu
communes. On la disait intelligente et courageuse. Très bien éduquée, elle
dansait à ravir mais je sentais qu’il y avait en elle quelque chose de mauvais.
Encore une personne qui allait aussi changer le monde, j’en donnais ma tête à
couper !
    L’avenir m’a prouvé une nouvelle fois que je ne m’étais pas
trompé sauf sur ce dernier point, ma tête est bien restée solidement vissée sur
mes épaules alors que la sienne fut proprement tranchée. Je ne t’ai pas dit son
nom ? Anne Boleyn !
    Si Louis était aux anges, retrouvant l’espoir de donner un
successeur à sa dynastie des Valois-Orléans, Marie et François étaient bien
déçus et je me souviens des soupirs à fendre l’âme de François quand on eut
refermé la porte de la chambre nuptiale, abritant la jeune et le vieux marié.
    Mon roi en était sorti le lendemain matin, rajeuni, réjoui,
contant à qui voulait l’entendre qu’il avait « fait merveilles ». Je
tentai tant bien que mal de consoler le pauvre François :
    «  Mon cousin », n’en prenez pas ombrage. Ça
n’a pas plus duré qu’un quart d’ardeur ! »
    Lui qui avait l’élégante habitude de rire haut et fort à mes
mauvais jeux de mots me gratifia d’un regard consterné et tourna les talons, me
laissant, pour une rare fois, décontenancé.
    Le roi, de son côté, paya comptant ses prétendus exploits
amoureux par une violente crise de goutte qui le força à boiter, ce qui
accentua son allure de vieillard.
    L’agitation était grande ; la cour se transformait en
basse-cour tant les conversations qui emplissaient les couloirs ressemblaient à
des caquetages de volailles affolées se disputant du grain dans lesquels une
phrase irrespectueuse revenait comme un leitmotiv :
    « Si notre vieux roi avait encore la semence
fertile ! »
    Si un fils naissait – ce fils tant attendu par Louis et
tant craint par Louise –, « mon cousin » ne régnerait pas et
fini toutes les faveurs promises et tous les rêves… ! Mon avenir s’était
enveloppé dans un épais brouillard d’incertitude.
    Le 5 novembre, Marie fut couronnée à Saint-Denis et son
soupirant François, en tant que dauphin, soutint sur la tête de sa belle reine
la pesante couronne. Le sacre est aussitôt suivi de son entrée solennelle à
Paris. Le peuple est frappé d’étonnement par cette jeune reine couverte de
joyaux.
    On disait pourtant que son frère l’avait livrée sans dot.
D’où venaient ces bijoux ? N’était-ce pas le cadeau d’un vieil amoureux à
sa jeune épouse ? Notre bon roi devenait-il « dispendieux » sur
la fin de sa vie ? Toutes ces interrogations n’empêchaient pas la foule de
célébrer leur nouvelle reine en chantant :
    « Marie avec nous se marie. »
    Le roi dépérissait à vue d’œil et n’avait plus besoin de se
faire annoncer par l’ample voix du chambellan tant sa toux grasse et
ininterrompue résonnait sous les voûtes des couloirs froids et interminables de
l’hôtel des Tournelles à Paris.
    Je n’ai jamais supporté que l’on tousse, c’est un bruit qui
me met les nerfs en pelote. Pour remédier à ce supplice, j’avais trouvé le moyen
de me fabriquer de petites boules de cire d’abeille qui assourdissaient
grandement les bruits gênants et m’apportaient une grande quiétude. Je les
avais d’ailleurs appelés mes «  boules de quiestude  ».
    La fraîcheur éblouissante de Marie irradiant nos pupilles en
émoi, Louis ne put que prier Jean Perréal d’en faire son portrait qui restitua
dans une peinture sur bois, sans en rien embellir, la parfaite beauté de cette
jeune femme que l’on disait « plus folle que reine ». Si elle l’était
déjà, la vie quotidienne n’allait pas tempérer sa folie. Chaque jour, la jeune,
éclatante et désirable reine au teint de miel, à la douce peau translucide, à
la belle chair pleine mais non enflée de graisse, voyait entrer son

Weitere Kostenlose Bücher