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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
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sourire sur son visage blême et sinistre, il me hoqueta :
    « Et toi, Triboulet, tu avais bien raison, c’est mon
portrait que j’aurais dû laisser vieillir à ma place. Ne laisse pas la nature
te dégrader. C’est elle qu’il faut craindre, plus que la camarde. »
    Mon corps tétanisé était incapable de se secouer de sanglots
et mon regard, fixé sur l’homme allongé devant moi à qui j’étais redevable de
mon existence, qui m’avait permis d’atteindre une des positions les plus
enviables à la cour de France, mon regard s’emplissait de pitié, de
reconnaissance, d’admiration et de tristesse qui venaient grossir les larmes
coulant abondamment de mes yeux et humidifiant ma barbe.
    Il tendit une main tremblante en direction de « sa
poupée anglaise » comme il se plaisait à l’appeler parfois :
« Mignonne, ma mie, vous aurez ébloui de votre grâce et de votre jeunesse
les derniers jours d’un vieux roi qui meurt d’avoir voulu vous trop aimer, et
je ne puis vous offrir comme plus beau présent de Noël que ma mort qui ne
saurait tarder. »
    Comme si elle attendait que l’on prononçât son nom pour
accourir, la mort vint le chercher brutalement, ne lui laissant même pas le
temps d’un râle.
    Sa tête, presque réduite à la taille de celle de ma marotte,
disparut au milieu de la foison des oreillers en plume. Guillaume Parvy, son
aumônier, lui administra l’extrême-onction.
    J’appris plus tard qu’un cavalier-messager était parti au
triple galop à l’annonce du mal-être du roi pour alerter Madame de Savoie afin
qu’elle ne perdît pas un seul instant pour venir rejoindre son César qui allait
enfin accéder au trône de France.
    Après une année, presque jour pour jour, mon roi était parti
rejoindre celle qu’il avait le plus aimée. Paris résonnait de cloches funèbres
qui couvraient les voix des crieurs répétant d’un ton monocorde :
    « Bonnes gens, le bon roi Louis, le père du peuple, est
mort. »
    François prend tout de suite ses responsabilités de gendre
et de futur roi de France. Il appelle Galéas de Saint-Séverin, grand écuyer du
roi, pour qu’il se charge de la direction des cérémonies funèbres.
    Je ne pus empêcher un fou rire intérieur quand j’appris que
François avait dépensé seulement 13 000 livres pour celui que tous
pleuraient dans les rues comme roi et père du peuple alors que Louis, lui-même
taxé d’économie virale à la limite de l’avarice, avait été quatre fois plus
généreux avec son prédécesseur Charles VIII. L’ingratitude est mesquine
jusque dans son prix !
    Tout fut décidé comme si l’on voulait effacer au plus vite
le nom et le souvenir de ce souverain très ou trop populaire. Son corps,
transféré le 3 janvier à Notre-Dame, fut enseveli le lendemain à
Saint-Denis.
    Je suivis le convoi funèbre de mon roi, tout de noir vêtu
sans grelots ni marotte. Mon masque rieur de la comédie s’était changé en
masque triste de la tragédie et j’eus la pudeur de ne laisser couler de mes
yeux que des larmes d’eau alors que mon cœur versait des larmes de sang.
    Le corps de Louis XII fut inhumé auprès de sa chère
Anne de Bretagne selon leur souhait commun. Le grand écuyer de France
s’approcha de la fosse et cria par trois fois « Le roi est mort »
pendant qu’on jetait les étendards de France sur le cercueil. Il prit la
bannière du royaume, la baissa en répétant : « Le roi est
mort », puis il la releva en criant avec la même force : « Vive
le roi ! » Toute l’assemblée reprit en chœur la phrase qui faisait de
« mon cousin » Sa Majesté François I er roi de France.
    La jeune veuve pensait peut-être continuer à s’en donner à
cœur et à corps joie, maintenant que son vieil époux était bien couché sous
terre sans risque de se relever. Le duc de Suffolk avait assisté à l’enterrement
en tant que représentant d’Henry VIII et comptait bien retrouver son
statut d’amant de Marie. Quant au futur roi de France, il papillonnait autour
de la reine veuve, certain d’arriver à ses fins. Son entourage le mettait en
garde contre les conséquences catastrophiques d’une grossesse de la reine mais
cela ne semblait pas l’affoler plus que de mesure et il fanfaronnait :
    « Si elle a un fils, il ne sera qu’un enfant et il
faudra bien un régent et d’après l’ordre du royaume, le régent, c’est
moi ! »
    Louise le tançait d’importance :
    « Ne vois-tu

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