Le bûcher de Montségur
Mirepoix, Adalays de Massabrac et d’autres – sollicitent en hâte la convenensa et courent aider les hommes à défendre le château 189 .
L’évêque et les diacres, dans le tumulte, le bruit des armes, les gémissements des blessés, n’avaient que le temps de passer d’un mourant à un autre pour administrer les derniers sacrements ; Bernard Roainh, le Catalan Pierre Ferrier, le sergent Bernard de Carcassonne, Arnaud de Vensa moururent « consolés » cette nuit-là 190 . Dans un dernier sursaut d’énergie, la garnison réussit à repousser les assaillants, qui se replièrent vers la barbacane. Étant donné la situation de ce champ de bataille suspendu dans le vide, le nombre des morts dut être plus grand que celui des blessés qui purent atteindre le château.
Au lendemain de cette nuit tragique, le cor sonna sur le mur de la forteresse. Raymond de Perella et Pierre-Roger de Mirepoix demandaient à négocier.
II – LE BÛCHER
Les pourparlers commencèrent le 1 er mars 1244. Après plus de neuf mois de siège, Montségur capitulait. Excédés eux aussi par ce siège trop long, les croisés ne discutèrent pas longtemps. Les conditions de la capitulation étaient les suivantes :
1° Les défenseurs garderaient la place pendant quinze jours encore et livreraient des otages.
2° Ils obtenaient le pardon pour toutes leurs fautes passées, y compris l’affaire d’Avignonet.
3° Les hommes d’armes se retireraient avec armes et bagages, mais devraient comparaître devant les inquisiteurs en vue d’une confession de leurs fautes. Ils ne seraient passibles que de pénitences légères.
4° Toutes les autres personnes se trouvant dans la citadelle demeureraient libres et ne seraient soumises qu’à des pénitences légères, moyennant abjuration de l’hérésie et confession devant les inquisiteurs. Celles qui n’abjureraient pas seraient livrées au bûcher.
5° Le château de Montségur serait rendu au roi et à l’Église.
En somme, ces conditions étaient bonnes ; il eût été difficile d’en obtenir de meilleures : grâce à leur héroïque résistance, les hommes de Montségur échappaient à la mort et leurs proches à la prison perpétuelle. Les auteurs du massacre d’Avignonet se voyaient garantir non seulement la vie sauve mais la liberté.
Comment l’Église – en la personne de ses représentants qui participaient au siège – a-t-elle pu consentir à absoudre un crime aussi grand, alors que le châtiment des assassins de Guillaume-Arnaud devait lui paraître aussi important que celui des hérétiques ? Il semble pourtant que si les deux parties étaient tombées d’accord si vite sur ce point, c’est que le terrain était déjà préparé. Les messages à plusieurs reprises échangés entre le comte de Toulouse et les assiégés de Montségur devaient concerner, entre autres, l’affaire d’Avignonet.
En effet, à l’époque du siège, le comte était en pourparlers avec le pape en vue de faire lever son excommunication qu’il avait encourue au lendemain de ce crime dont il se proclamait innocent. Ce fut vers la fin de 1243 que le pape Innocent IV révoqua la sentence d’excommunication de Frère Ferrier, en déclarant que le comte de Toulouse était son « fils fidèle et catholique ». L’excommunication lancée par l’archevêque de Narbonne devait être levée le 14 mars 1244, deux jours avant la prise de possession de Montségur par l’armée royale. Cette coïncidence de dates est peut-être fortuite ; mais il est possible qu’il ait existé un rapport étroit entre les démarches du comte et le sort des hommes de Montségur et, en particulier, de P.-R. de Mirepoix qui s’intéressait tant à la bonne marche des affaires du comte de Toulouse. Le comte aurait conseillé aux assiégés de tenir bon, non dans l’intention d’amener des renforts (il est évident qu’il n’y songeait guère), mais dans l’intention d’obtenir le pardon total de l’affaire d’Avignonet. Les dépositions des gens de Montségur devaient compromettre beaucoup de personnes du dehors (en plus du comte lui-même), et ces personnes ne furent jamais inquiétées.
D’autre part, les mérites personnels des défenseurs et la nécessité d’en finir avec un siège qui, si la grâce était refusée, pouvait durer encore, avaient pu engager Hugues des Arcis et ses chevaliers à faire pression sur l’archevêque et sur Frère Ferrier. Le crime politique
Weitere Kostenlose Bücher