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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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je vais faire, Mathilde ? Ce que feront
demain tous les négociants, tous les banquiers de la ville ? Ils ouvriront
leurs registres et leurs livres de comptes. Ils se plongeront dans leurs
calculs. De combien l'ordre du Temple leur est-il redevable ? De combien
sont-ils redevables à l'ordre du Temple ? Ils constateront, comme moi,
qu'ils lui doivent davantage d'argent qu'il ne leur en doit. Alors nous
garderons tous le silence. Le roi a réglé un problème ; les souhaits du
roi sont des ordres. Les templiers n'ont pas d'amis ! Vous, vous en avez
un : moi. Comprenez-vous à présent, Mathilde de Clairebon, venue de
Poitiers ? Comprenez-vous ? répéta-t-il. Si vous me trompez, je vous
livrerai ; c'est aussi simple que ça, ajouta-t-il en claquant des doigts.
    J'étais trop terrifiée, trop
inquiète, trop surprise, pour élever des objections. J'acquiesçai sans mot dire
et, me dirigeant vers le lit, je m'y étendis en tournant le dos à Simon. Je
croisai les bras et remontai les jambes comme je le faisais dans mon enfance
quand les ombres au fond de ma chambre étaient des fantômes de la nuit
attendant l'heure de me souiller. Je l'entendis s'en aller. Quand je me levai
le lendemain matin, l'huis de la pièce était fermé et verrouillé. Je ne pouvais
sortir et me trouvais donc captive de Simon. La chambre avait sans doute servi
de cellule autrefois. Elle offrait, creusée dans le mur donnant sur
l'extérieur, une petite alcôve à usage de latrines, une chiouère au-dessus d'un
étroit caniveau. Au bout de deux jours la puanteur était si forte que le
serviteur apporta des seaux d'eau de pluie pour assainir l'air.
    Messire Simon me donna aussi de
quoi me nourrir, de quoi m'habiller et un psautier, ainsi qu'une copie de la Chronique
des croisades de Joinville. Il refusa de me narrer ce qui se passait dans
Paris.
    Les semaines passèrent. En
regardant par la fenêtre, une meurtrière, je pouvais voir le gel s'épaissir et
les arbres perdre leurs feuilles. Une nuit, Simon vint me rendre visite. Il
s'enquit de ma santé, m'annonça que mon emprisonnement touchait à sa fin et
qu'il me libérerait le lendemain matin. Je m'éveillai avant l'aube. La chambre
était glacée, le feu du petit brasero était depuis longtemps réduit en cendres
et les chandelles n'étaient plus que des mèches noires.
    — Vite, vite !
s'écria-t-il en faisant de grands gestes. Vite, vite, venez !
    Je m'habillai sur-le-champ. Le
marchand me tendit une épaisse cape au profond capuchon.
    — Mettez ça, m'ordonna-t-il.
    Nous descendîmes l'escalier et
déjeunâmes dans l'arrière-cuisine d'une écuelle de fromentée bouillante et d'un
bol de bière coupée d'eau servis par la servante mal réveillée. Nous sortîmes
de la maison et nous glissâmes dans l'allée. La nuit où je m'étais enfuie
jusque-là me revint en mémoire. Les rues à présent étaient quasi désertes.
J'aperçus pourtant diverses scènes dans notre course : des enfants
balançant une lanterne et faisant tinter une clochette, précédant un capucin
encapuchonné qui apportait le viatique dans un ciboire à un moribond ; des
mendiants demandant l'aumône ; des infirmes blêmes au visage émacié,
étalés sur les marches glacées des églises, tendant leurs sébiles et criant
misère ; un groupe de fêtards titubant, la panse pleine de bière et
l'injure à la bouche ; une catin en tunique fauve, perruque rousse sur son
crâne chauve, criant des insultes sur le pas d'une porte. Messire Simon me prit
le bras pour que je me hâte. Il s'arrêtait de temps en temps et s'assurait que
mon capuchon était bien tiré sur mon visage. Nous pénétrâmes dans une rue plus
large. Les portes s'ouvraient et on disposait les étals. La puanteur était forte.
Le salpêtre répandu ne parvenait pas à couvrir les odeurs des vases de nuit
vidés et des piles de végétaux en décomposition entassés dans les coins.
    — Où allons-nous ?
murmurai-je.
    — Silence. Ne découvrez pas
votre tête, me pressa-t-il.
    Nous tournâmes encore et encore.
Je reconnus enfin la rue principale menant à Montfaucon, le lieu d'exécution,
le gibet de Paris. La foule s'y assemblait déjà. Messire Simon s'approcha des
soldats qui bloquaient le passage. Il chuchota quelques mots à l'oreille d'un
sergent, des pièces changèrent de main, et nous pûmes gagner une place près de
la route. Je distinguai l'entrée du couvent des Filles de Dieu. Les nonnes,
tenant des gobelets de vin,

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