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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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rues, genoux pliés, couteau
dans une main, poignard dans l'autre. Les deux hommes se rapprochèrent et s'affrontèrent,
tapant du pied dans un cliquetis argentin d'acier. Demontaigu se dégagea
soudain mais, au lieu de reculer, plongea avec célérité et enfonça profondément
son épée dans le ventre de l'agresseur qui s'effondra en crachant du sang.
    Il y eut un bruit de pas ;
une corne sonna. Nous nous mîmes à courir dans les venelles et les ruelles.
Demontaigu, gêné par les lourdes sacoches, me tirait par la main. Je m'arrêtai,
relevai ma robe et saisis l'une d'entre elles. Bertrand, ruisselant de sueur,
serra ma main et nous nous élançâmes à nouveau. Ce fut une fuite terrible,
furieuse, dans un lacis de venelles, des endroits misérables et infects au sol
jonché d'ordures malodorantes et de détritus divers. Des silhouettes sombres se
pressaient comme des fantômes sous les porches et à l'entrée des ruelles. Des
bagasses, fardées de blanc sous leurs cheveux teints en roux, nous regardaient
avec hargne ; des mendiants, crasseux et estropiés, agitaient leur
sébile ; des chiens jaunes aux côtes saillantes nous montraient les dents ;
des enfants nus s'éparpillaient à notre approche. On nous jeta des déchets par
les fenêtres et les portes. Nous fîmes mille tours, nous enfonçant plus
profondément dans taudis autour de Whitefriars, les bas-fonds de Londres, avec
leurs maisons délabrées et leurs hordes de coquins. Ils nous laissèrent passer,
croyant que nous étions des criminels cherchant à échapper à la loi tandis que
l'arme de Bertrand les tenait en respect.
    Vint un moment où je ne pus plus
courir. J'étais trempée de sueur, je ressentais une violente douleur dans le
flanc, mes jambes et mes pieds étaient de plomb et me faisaient mal, les larmes
me voilaient les yeux. Nous entrâmes dans un passage. Demontaigu me fit passer
par la barrière d'osier vermoulue d'un cimetière envahi de croix éboulées et de
végétation emmêlée. Nous nous précipitâmes vers la porte de la chapelle. Il
l'ouvrit d'un coup de pied, nous nous jetâmes sous le porche moisi et
cherchâmes asile dans un recoin près de la porte du diable, au nord. Haletants,
nous nous accroupîmes entre les fonts baptismaux et le mur en essuyant la sueur
sur nos visages. Bertrand demeurait vigilant, aux aguets à la façon d'un limier
pour repérer tout signe de poursuite. Il resta d'abord affalé, jambes étendues,
tête basse. Je me remis la première et repris lentement ma respiration.
    Je contemplai les dessins
maladroits sur les murs, une fresque rudimentaire destinée aux fidèles pour
leur montrer l'échelle du salut menant à l'autre monde. Je m'en souviens si
bien ; cela convenait à mon humeur après cette course folle. Dans l'angle
droit de la peinture se trouvait l'arbre de la connaissance de l'Éden autour
duquel s'enroulait le serpent. Au-dessus, il y avait un pont de lances sur
lequel une cohorte de démons poussait des marchands fraudeurs.
    Au-dessous, on voyait un usurier
brûlant dans les flammes, et au centre l'échelle de Jacob sur laquelle des âmes
montaient vers le Christ. Quelques-unes parvenaient au sommet, mais les autres
étaient saisies par des diables qui leur préparaient une terrible série de
tortures en Enfer : un chien rongeait la main d'une femme qui s'était
davantage souciée de lui que des pauvres ; un pèlerin ivre était
emprisonné dans une bouteille ; des démons faisaient bouillir des
meurtriers dans un chaudron écumeux ; une créature ressemblant à un
griffon mordait les pieds des danseurs lubriques. Je me levai pour regarder de
plus près et tenter de me changer les idées. Ma poitrine était encore
douloureuse et mes entrailles se rebellaient. Je dus enfin me précipiter dehors
pour me soulager et le froid pénétrant glaça ma sueur. Je me lavai les mains
dans une flaque à moitié gelée et retournai dans l'église.
    — Quel est cet endroit ?
m'enquis-je.
    — La chapelle du charnier,
répondit Demontaigu qui me tournait le dos et admirait la fresque. Un vaste
cimetière couvrait jadis tout l'emplacement. On a voulu ériger une chapelle
votive où les prêtres de passage pourraient chanter le requiem pour les défunts
qui s'entassent en ces lieux.
    Il se retourna et, d'un geste, me
fit signe d'avancer.
    Je claquai l'huis derrière moi.
Bertrand ouvrit l'une des sacoches, en sortit du pain enveloppé d'un linge, le
rompit et m'en offrit un

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