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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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fûmes vite dans Cheapside, tout à fait désert, mis à part la bruyante
cage. Au pilori se trouvait un malheureux boulanger, frissonnant en dépit du
poêlon de charbon que sa famille inquiète avait glissé entre ses jambes. Le
placard pendu à son cou prévenait contre ces marchands qui mettaient des bouts
de fer dans leurs miches pour qu'elles pèsent plus lourd. Un court instant, je
perdis haleine, flageolai sur mes jambes et fus comme hallucinée. J'eus
l'impression que je n'étais plus à Londres, mais à Paris, et que je courais par
les rues, occupée à des emplettes pour oncle Réginald. Ap Ythel le remarqua et
voulut à toute force que nous nous arrêtions dans une rôtisserie qui avait
ouvert tôt pour attirer les manouvriers par les alléchants effluves de son pain
frais et de ses savoureuses tourtes.
    Nous déjeunâmes de gobelets de
bière éventée. Assise sur un banc devant l'échoppe, je jetai un coup d'œil dans
la direction d'où nous venions, en quête d'un éventuel poursuivant. Je ne vis
personne, bien qu'Ap Ythel fût devenu soucieux, lui aussi. Il ne m'interrogea
pas sur ce que je faisais. La parole de Sandewic lui suffisait, mais il ne
cessait de regarder derrière nous. À un moment, il se leva, les pieds de chaque
côté du caniveau gelé, et plissa les yeux pour scruter Cheapside. Il grommela
quelques mots en gallois, mais, quand je le questionnai, il secoua la tête,
vida son gobelet et déclara que nous devrions continuer notre chemin.
    Sans cesser de nous hâter, nous
passâmes devant la sinistre prison de Newgate et débouchâmes dans les petites
rues autour de St Paul. Je fis halte pour admirer sa girouette, un immense
aigle dont les ailes déployées étaient sculptées, c'est du moins ce que
prétendit Ap Ythel, dans du cuivre. Mais le Gallois insista pour que je ne
m'attarde pas, et m'expliqua que le cimetière de St Paul était l'antre des
hors-la-loi et de ceux qui cherchaient asile dans l'église. Nous parvînmes à
Seething Lane, tunnel sombre qui sinuait entre de misérables maisons aux étages
en surplomb. L'endroit était vide, à l'exception de chats errants dont les
affreux miaulements résonnaient dans la rue. Comme à Paris, la boutique, à
l'enseigne du Palefroi , était fort délabrée. Ce n'était qu'un entrepôt
dont la peinture criarde était écaillée et les fenêtres tendues de papier
huilé. Sise à l'angle d'une ruelle, elle possédait un escalier extérieur
latéral : un fugitif pouvait sans mal s'en échapper. Je priai Ap Ythel
d'attendre et de monter la garde. Les marches, sous mes pieds, craquèrent de
façon sinistre et annoncèrent mon arrivée. En haut, la porte n'était pas fermée
à clé et je la poussai. À l'intérieur, une lourde tenture, gonflée par le vent,
m'enserra dans ses plis. Je m'en extirpai et avançai dans la pièce, lieu
crépusculaire aux ombres mouvantes. Bien qu'aucune chandelle ne fût allumée,
l'air sentait la cire et l'encens. Je jetai un coup d'œil sur le lit : la
couverture était remontée avec soin. Au milieu de la chambre il y avait une
table recouverte d'une nappe blanche, une patène d'argent provenant d'un autel
et deux petits chandeliers. Alors que je m'en approchais, un bras m'encercla le
cou et la pointe d'une dague me piqua la joue.
    —  Pax et bonum ,
murmura une voix. Qui êtes-vous ?
    — Mathilde de Clairebon.
    — La vérité, Mathilde de
Ferrers !
    — Mathilde de Ferrers,
avouai-je.
    — La nièce de Sir Réginald de
Deyncourt ?
    — C'est vrai.
    — Quel était son rang ?
    Je répondis. Les questions
continuèrent, drues comme une pluie de flèches. Je n'avais pas peur : la
prise n'était pas trop ferme et j'avais reconnu cette voix, sonore et claire,
qui avait retenti dans l'escalier sombre de l'infirmerie du prieuré St
Augustine. L'homme ôta son bras.
    — Allez dire à votre garde
que vous êtes en sécurité.
    Je m'empressai d'obéir, brûlant
d'impatience. Quand je revins dans la pièce, les chandelles avaient été
rallumées et l'étranger, habillé de futaine noire, une étole au cou, un
manipule au bras, avait repris la messe qu'il était en train de célébrer.
Debout devant la table, tête inclinée, il lisait le canon de l'office dans un
petit bréviaire ouvert sur son support. Il leva le pain azyme, une hostie blanche
et ronde, et prononça sur lui les mots de la consécration ; puis il prit
la coupe d'étain et consacra le vin. Je m'agenouillai devant l'autel improvisé
et

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