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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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compagnon de se servir de dés pipés. Ils
nous quittèrent à la nuit tombante. Casales les suivit, mais Sandewic resta,
l'air excédé.
    — Ce soir, observa-t-il en
allant vers la porte et en faisant claquer ses gantelets contre ses mains, nous
nous réunirons, nous deviserons, mais rien ne changera.
    Une douleur à la cuisse le fit
tressaillir et il s'interrompit.
    J'insistai pour qu'il demeure et
le poussai à avouer que ses douleurs rhumatismales empiraient. Je lui
prescrivis un cataplasme d'armoise et la cure de l'abbé Strabo contre les
douleurs, la fleur d'artémisie, une herbe assez rare. J'en avais un peu,
moulue, en décoction et filtrée. Je lui en offris deux fioles en lui signalant
que le goût serait âcre et qu'il devait y mêler du vin, ce à quoi il rétorqua
qu'il aimait ce genre de remède. Quand j'en eus terminé, je lui présentai ma
propre requête, une décision que j'avais prise pendant la journée, et à
laquelle Isabelle avait déjà donné son accord. Je fis d'abord jurer le secret à
Sandewic, puis je réclamai une escorte pour m'accompagner en ville le
lendemain. Il eut l'air étonné, mais déclara qu'il vaudrait mieux que ladite
escorte fût réduite à un seul homme afin que nous puissions sortir de la Tour
sans nous faire remarquer. Il proposa le capitaine de ses archers, un Gallois
que j'avais rencontré à Paris, un individu redoutable à l'air sévère nommé
Owain Ap Ythel, et j'acceptai.
    Le lendemain, nous partîmes juste
après l'aube. Le froid était mordant et le sol glissant. Ap Ythel était armé
mais sans casque. Sous sa chape à capuchon il avait un ceinturon avec épée et
dague, et portait une arbalète et un carquois de carreaux pendu à la taille. Je
m'étais munie d'un poignard que j'avais glissé dans la gaine de ma haute
ceinture. Sandewic en personne nous fit sortir par la poterne. Nous nous
éloignâmes de la Tour par des venelles puantes et gagnâmes la large voie qui
menait à la cité. J'avais résolu de me rendre à Seething Lane pour découvrir
qui était ce mystérieux personnage et s'il pouvait nous aider dans notre actuel
océan de troubles. Le Gallois chuchota que nous pourrions toujours louer une
barque au quai, mais je n'avais point oublié Paris et ne désirais pas nager à
nouveau.

 
     
    CHAPITRE X
     
     
     
    Les puissants d'hier tombent à
présent sous l'épée.
    Chanson des temps anciens, 1272-1307
     
     
    Nous marchions vite. Le gel avait durci
la fange et la boue sur les pavés et les caniveaux, qui coupaient la rue comme
autant de rubans, étaient pris par la glace. Les cloches de la ville sonnaient
prime, mais les cornes du marché n'avaient pas encore annoncé que le commerce
pouvait reprendre, aussi les échoppes et les éventaires étaient-ils fermés. Des
lanternes et des chandelles brillaient aux fenêtres. Des enseignes de toutes
les couleurs grinçaient dans le vent du matin. Les odeurs, cette impression
d'attente avant le début du jour, faisaient tant penser à Paris ! Les
éboueurs et les nettoyeurs de l'échevinage s'affairaient à emporter les
détritus dans de grands tombereaux qui descendaient la rue avec lenteur sous
les bannières appendues en vue du couronnement. Des chiens aboyaient et jappaient.
Les baillis de la ville, en livrée bleu et moutarde, traquaient un porc pris à
vagabonder hors de son enclos, sévère manquement aux lois municipales. Des
dizainiers, armés de gourdins et de hallebardes, rassemblaient les noctambules,
catins, ivrognes et autres violeurs du couvre-feu, les faisaient mettre en rang
et leur enchaînaient les mains avant de les conduire en troupeau à Cheapside et
à la grande cage qui servait de prison au-dessus de la canalisation. Des
mendiants transis tremblaient dans les coins. Des ribaudes malchanceuses
hélaient en vain le chaland du fond des porches obscurs ou à l'entrée des
venelles. Des fripiers, réduits à vendre des habits d'occasion, préparaient
déjà leurs étals improvisés et essayaient de retenir l'attention des tâcherons
en manteaux râpés et en bonnets de futaine bourrue qui avançaient à grand bruit
sur les pavés avec leurs patins de bois ferrés pour ne pas déraper sur la glace
gluante.
    J'avais dit à Ap Ythel où nous
allions. Il connaissait bien Londres et me conseilla de rester dans les rues
larges et de ne pas m'égarer dans les venelles et ruelles, repaires et terrains
de chasse des coquins, malandrins et autres malfaiteurs. Empruntant Cornhill,
nous

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