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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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répliquai-je, c'est
pour cela que je veux lui rendre visite.
    Le gardien se mordilla le pouce en
hochant la tête.
    — Bon, suivez-moi,
grommela-t-il.
    Nous traversâmes la cour
intérieure, entrâmes dans la Tour Wakefield et descendîmes les marches jonchées
de détritus et éclairées par des torches. L'homme était enfermé dans une petite
cellule aérée par une grille en haut de la porte. Sandewic ouvrit l'huis et
posa une lanterne sur son support. Le prisonnier était étendu dans un coin,
bure brune en lambeaux, le visage contusionné et sale, les yeux brillant dans
la crasse. Dès que mon compagnon eut refermé la porte, le captif sauta sur ses
pieds en faisant tinter ses chaînes. Il alla aussi loin que ses entraves le lui
permettaient et se mit à danser une folle gigue, bondissant et frappant les
murs verdâtres et gluants avant de reculer en chancelant. Il entonna une
chanson absurde évoquant les champs à l'heure où vole la chauve-souris, puis il
tomba à genoux, les mains jointes, en marmonnant une version incompréhensible
du Notre-Père.
    — Dément, gronda Sandewic.
Fol. Il a perdu l'esprit, mais mon seigneur * le roi l'a jugé. Il sera
pendu demain juste avant midi au gibet municipal du quai St Katharine.
    L'homme leva la tête et, une
fraction de seconde, j'entrevis une lueur différente dans ses yeux.
    — Fou, acquiesçai-je, privé
de raison. J'ai connu un homme qui souffrait du même mal, déclarai-je à haute
voix. Il s'appelait Gaston de Preux. Il se prenait pour un prêtre. J'ai fait
tout ce que je pouvais pour lui...
    — Jolie dame...
    Le prisonnier leva les yeux sur
moi. Je me déplaçai de façon à me trouver entre lui et Sandewic. L'air égaré
fut remplacé par un regard de pur désespoir.
    — Jolie dame, j'ai besoin du consolamentum ,
de la croix, dit le captif d'une voix imitant la folie.
    Je me penchai en ignorant les
protestations de Sandewic.
    — Je vais voir ce que je peux
faire.
    Sandewic reprit la lanterne,
déverrouilla l'huis et me fit sortir.
    Je me forçai à sourire.
    — Sir Ralph, permettez-moi
d'apporter quelque réconfort à ce malheureux.
    Je pris le chapelet dans mon
escarcelle et, sans laisser à Sandewic le temps de s'y opposer, je me faufilai
derechef dans la cellule et m'accroupis devant le captif.
    — Gaston ? murmurai-je.
    Il acquiesça d'un signe de tête.
    — Dites-le à Bertrand, chuchota-t-il.
Le consolamentum . Je cherche la croix.
    Je laissai tomber le chapelet dans
ses mains et quittai le cachot en hâte. Dans le couloir, Sandewic me regarda
avec curiosité, maugréa que j'étais étrange et referma la porte. Alors que nous
sortions de la tour, il tira sur ma mante et m'attira vers lui.
    — Mathilde, j'ignore ce que
vous faites. Je ne pipe mot et observe.
    Il leva les yeux vers le ciel
gris.
    — Ce prisonnier... J'ai
croisé bien des fois et je commence à me demander s'il est aussi écervelé qu'il
en a l'air.
    Je m'approchai et l'embrassai sur
la joue.
    — Sir Ralph, ce qui à présent
se trouve dans l'ombre sera un jour en pleine lumière. J'ai à nouveau besoin
d'Owain Ap Ythel.

 
     
    CHAPITRE XI
     
     
     
    Presque tous les nobles passent leur
temps à mal agir.
    Chanson des temps anciens, 1272-1307
     
     
    Peu de temps après, alors que le
Gallois ne cessait de poser des questions sur ce qui s'était passé plus tôt,
nous sortîmes de la Tour pour nous rendre à La Taverne du diable .
    L'auberge était au coin d'une
ruelle qui donnait sur le quai et le sinistre gibet à trois branches où
pendaient les corps de pirates du fleuve. Les placards accrochés à leurs mains
inertes expliquaient que ces trois larrons avaient volé dans l'église de St
Botolph, à Billingsgate, un ciboire et deux chandeliers. On les avait exécutés
à l'aube et ils se balançaient, angoissants, dans la bise aigre, grinçant et
tournant au bout de leurs cordes huilées. Je les regardai en pensant à Gaston,
puis j'entrai dans la vaste salle. Elle était agréable et accueillante avec son
plafond bas, ses poutres noircies par la fumée où étaient suspendus, dans des
garde-manger, des jambons, des fromages et du pain frais. Une grande table
commune sur tréteaux avait été installée d'un bout à l'autre de la salle,
depuis les barriques posées de part et d'autre des comptoirs jusqu'au
fond ; d'autres, plus petites, avaient été dressées près des fenêtres. Sur
le sol, balayé avec soin, on avait répandu une jonchée de verdure

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