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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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morceau d'étoffe
autour des reins, enchaîné fermement à une claie tirée par un cheval. Puis on
avait traîné le malheureux sur le dos sur les pavés de la cour de la Tour, sous
la Porte du Lion et dans les rues vers le quai St Katharine. Le bourreau
guidait le cheval, et son aide, tout de noir vêtu, le suivait. Les hérauts
ayant annoncé le supplice, la foule était nombreuse. Afin de voir le châtiment,
Marigny et sa coterie avaient pris place sur une estrade encourtinée installée
pour l'occasion. Avant même que le prisonnier arrive au gibet, il souffrait
mille morts, le dos cruellement déchiré et ensanglanté par les pavés. On ne lui
montra néanmoins nulle pitié et on poussa sur les marches de la potence une
silhouette répugnante et courbée qui jouait encore la folie.
    Je fouillai la cohue du regard. Je
ne vis pas Demontaigu, mais aperçus le valet de La Taverne du diable entouré d'individus encapuchonnés. Casales, son bras mutilé ballant sur son
flanc, contrôlait la sinistre besogne et, debout au pied de la potence, criait
des ordres au bourreau à califourchon sur le gibet. Je jetai un coup d'œil vers
l'enceinte royale. Gaveston avait rejoint Marigny et, penché sur la balustrade,
surveillait avec attention les opérations. Gaston arriva en haut de l'échelle
et se retourna à moitié pour regarder par-dessus la foule. L'exécuteur des
hautes œuvres ajusta le nœud coulant autour de son cou. Casales fit un
signe : roulements de tambours et sonneries de trompettes firent naître le
silence de l'attente. C'était le moment où le condamné pouvait prononcer ses
derniers mots. Casales beugla que le captif était fou et il s'apprêtait à faire
un nouveau signe pour un autre roulement de tambour afin qu'on enlève
l'échelle, lorsque Gaston leva la tête et, s'appuyant au gibet, les mains liées
dans le dos, cria :
    — Bonnes gens !
    Surpris, Casales recula.
    — Bonnes gens ! répéta
le condamné.
    Je regardai autour de moi :
une perche sur laquelle on avait fixé un crucifix s'élevait dans l'air et une
voix forte entonnait
    Nous t'adorons, ô Christ, et te
louons.
    La réponse de Gaston fut, elle
aussi, distincte : Car par la sainte croix tu as sauvé le monde.
    L'échange prit les spectateurs par
surprise.
    — Frères, s'exclama le
captif, puis-je recevoir l'absolution ?
    Il entreprit sans attendre de
réciter l'acte de contrition, et du sein de la foule monta cette voix vibrante
et claire que j'en étais venue à bien connaître et à aimer, renvoyant les
paroles du pardon :
    —  Absolvo te a peccatis
tuis in nomine Patris, et Filii et Spiritus Sancti  — je t'absous
au nom du Père...
    Casales, à présent dévoré de
curiosité, s'écarta du pied de l'échelle ; un soldat lui tendit une
arbalète déjà bandée. Marigny et ses compagnons, eux aussi stupéfaits,
regardaient la mer de visages dont l'humeur, inconstante comme toujours, avait
tourné, mue par une vague de compassion envers Gaston. Casales se ressaisit. Je
vis les hommes d'armes affluer autour du gibet et des souvenirs douloureux
m'assaillirent, mais l'excitation et la peur dont débordait mon cœur eurent tôt
fait de les dissiper. Gaston se confessa pour la dernière fois — le consolamentum  — et
la foule lui répondit par l'absolution. Casales, que Dieu en soit remercié,
attendit au moins que cela se termine. Puis il donna le signal ; l'aide du
bourreau d'un geste prompt retira l'échelle et, horrible spectacle, Gaston
commença sa danse macabre, tournoyant et se tordant au bout de la corde.
Soudain, le serviteur que j'avais aperçu dans la taverne se jeta hors de la
foule ; les gardes regardaient de l'autre côté et personne ne l'arrêta quand
il bondit sur les jambes du captif et le tira vers le bas. Les soldats
voulurent le repousser, mais le public hurla :
    — Laissez-le faire !
Laissez-le faire !
    Les hommes reculèrent et Casales
cria l'ordre de lâcher le valet. Même de l'endroit où je me tenais, j'ouïs les
ultimes râles de Gaston comme son corps s'immobilisait pendant que le valet
courait se perdre dans la cohue. Je regagnai la Tour sans perdre de temps et
rendis compte des événements à ma maîtresse.
    — Il méritait une meilleure
mort, commenta-t-elle en remplissant deux gobelets de jus de pomme frais.
    Elle but le sien en se balançant
de droite à gauche comme si elle écoutait une lointaine musique.
    — Mathilde, nous serons
bientôt loin d'ici. Je serai reine

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