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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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et l'orage menacera.
    Elle me salua en levant sa coupe.
    — Tous les sinistres aspects
des désirs secrets de mon père et de mon époux se feront jour. Ce n'est
qu'alors, Mathilde, que nous pourrons entrer dans la danse, mais pour le
moment...
    Elle soupira et, se mordillant les
lèvres, me regarda fixement.
    — ... nous nous comporterons
comme de jeunes dames tout affolées par les nouvelles.
    Nous jouâmes donc ce rôle pendant
ces journées affairées, où clercs et clergé répétaient la cérémonie du
couronnement et décrivaient Y Or do du Liber regalis . Isabelle
organisait aussi sa maison. Une fois couronnée, elle s'installerait au palais
de Westminster et assumerait le statut de reine, avec les charges et les
honneurs qui lui étaient liés, même si l'avenir paraissait incertain, étant
donné les rumeurs fort fâcheuses qui montaient de la ville. Les grands barons
se retrouvaient à présent ouvertement dans les tournois, réitérant leur demande
de convoquer un parlement, d'exiler Gaveston et exigeant que le roi
« prenne fidèle conseil » auprès de ceux qui étaient nés pour le
donner. Les Français les appuyaient ; des placards et des lettres dictées
par Marigny, toujours courroucé par la tentative d'assassinat, furent cloués
aux portes des églises et à la grande croix du cimetière de St Paul, proclamant
que quiconque aiderait Gaveston deviendrait, par là même, l'ennemi juré de
Philippe de France. Les prélats proposèrent leur médiation et la tenue d'un
« jour d'amour » afin qu'Édouard et ses barons se rencontrent à St
Paul pour discuter de leurs griefs mutuels et aboutir à un pacte scellé avant
le couronnement.
    Le souverain rejeta ces
ouvertures. De sa chancellerie de la Tour il émit des édits sous sceau privé en
faisant savoir qu'il considérait que toute rencontre de cette nature lui était
hostile, qu'elle constituait une trahison et une atteinte à ses droits. Il
ordonna à ses grands barons de disperser leurs hommes et de ne pas les amener à
moins de cinq miles des grilles et portes de la ville de Londres. Dans le même
temps, des troupes royales — si nombreuses qu'elles durent camper
dans les terrains vagues, au nord — arrivèrent pour grossir la
garnison de la Tour. Des barges de guerre patrouillaient sur le fleuve et des
cogghes se rassemblaient à l'estuaire de la Tamise. Édouard et Gaveston, eux,
festoyaient à la Tour, allaient chasser en forêt ou dans les bois des
alentours. Ils ignoraient Isabelle ostensiblement, même s'ils lui envoyaient
des messages secrets et des gages de leur affection presque tous les jours.
    Casales nous narrait les
événements. Tout en faisant les cent pas dans la chambre de la reine, son
poignet mutilé dans sa main valide, il évoquait, avec une appréhension
grandissante, la crise qui prenait de l'ampleur. Rossaleti, à présent fort
silencieux et réservé, s'asseyait à la table de travail et acquiesçait avec
solennité. Isabelle ne bronchait pas. Elle me faisait penser à un chat aux
aguets, qui épie et écoute. Elle attendait le changement de marée, l'occasion
qui lui permettrait, comme elle disait, de se faire les griffes. J'étais, moi
aussi, déterminée, tout à fait résolue.
    L'attention que me portait le
vieux Sandewic ne se relâchait pas. Le temps froid et les tâches pénibles
affaiblissaient sa santé. Je renouvelai ses fioles de verveine et autres
potions pour soulager ses maux et l'avertis de ne pas en abuser. J'aurais dû
être plus prudente et vérifier ce qu'il buvait vraiment. Mes soins et mon
dévouement semblaient le toucher profondément et il m'en remerciait par de
petits cadeaux. Il louait auprès de qui voulait l'entendre mon habileté en
médecine. Au grand amusement d'Isabelle, la garnison, ses soldats, ses
serviteurs, leurs épouses et leurs familles, se mirent à se présenter tous les
jours dans la cour intérieure pour quérir aide et assistance. Sandewic, que
Dieu l'ait en sa sainte garde, fit ouvrir les réserves, distribuer poudres et
herbes séchées et alla même jusqu'à dépêcher des messagers chez les
apothicaires de la ville. En général, les maux n'étaient pas graves. Je
n'oubliais jamais l'aphorisme d'oncle Réginald : ses patients, à
l'ordinaire, guérissaient par eux-mêmes malgré tous les efforts de leur
médecin.
    La multiplication des affections
hivernales me permettait d'observer, de traiter et d'apprendre. Je prescrivais
du verjus contre les irritations

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