Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
Vom Netzwerk:
m'y attendais le
moins. Je me réchauffais et ne pouvais que pleurer. Je pleurais sur ce que
j'avais vu et sur ce que j'avais perdu. Je déplorais le trépas de mon oncle et
en voulais mortellement à Philippe de France. Mon courroux ne se calmait pas,
mais l'épuisement vint à bout de mes forces. Messire Simon appela son valet et
la servante. Ils apportèrent une chaire où, après m'avoir enveloppée dans une
robe de laine comme l'aurait fait une mère, le marchand m'installa pour que je
me blottisse. Puis il s'accroupit à côté de moi et chuchota ses
recommandations : Il me fallait changer de nom et suivre ses conseils à la
lettre.
    — C'est-à-dire ?
demandai-je, lasse et à moitié endormie.
    Je devais reconnaître la bonté de
cet homme. Bien que têtu, retors et âpre au gain, messire Simon avait respecté
la promesse faite à mon oncle.
    — La meilleure cachette,
déclara-t-il — et un sourire fendit son visage —, est l'endroit
où personne ne pensera à vous chercher : la maison royale ! J'y ai
des amis. J'y ai  —  comment dire ? — des débiteurs. En échange d'une
faveur, ces dettes pourraient être annulées. Il s'interrompit.
    — Vous devez quitter la
France, Mathilde, et ne jamais y revenir. Cela vaut mieux pour nous deux.
    — Mais comment ?
    Je m'agitais sur ma chaire, toute
somnolence envolée, le chagrin d'avoir vu pendre mon oncle émoussé à présent par
la potion mélangée au vin que le négociant m'avait fait boire.
    — Comment puis-je quitter la
France ? Où vais-je aller ? Ma vie est ici. Ma mère n'est guère plus
qu'une paysanne. J'eus un rire amer.
    — Quelle aide peut-elle me
procurer ? Quelle assistance pouvez-vous me fournir, messire Simon ?
    Il approcha son tabouret.
    — Écoutez-moi. Comme je viens
de vous le dire, le meilleur endroit pour vous cacher est le seul où on ne
cherchera jamais : la maison royale. Non, non, écoutez-moi.
    Il leva la main.
    — Je connais des gens de
l'escorte de Charles de Valois, le frère du roi. J'effacerai leurs dettes
contre un service. Vous savez qui est Édouard d'Angleterre ?
    Je haussai les épaules.
    — C'est un roi guerrier,
répondis-je. Mon oncle évoquait ses guerres contre les Gallois quelque part à
l'ouest et contre les Écossais au nord.
    — Un roi guerrier, il est
vrai, acquiesça Simon. Je l'ai rencontré en moult occasions de même que j'ai...
    Il fit une pause comme pour se
reprendre.
    — Quoi qu'il en soit, voilà
une dizaine d'années, sous le pontificat de Boniface VIII, Édouard d'Angleterre
fut pris au piège par Philippe de France. La Gascogne, avec ses riches
vignobles autour de Bordeaux, appartenait encore à l'Angleterre. Philippe, par
ruse, l'occupa. Édouard, absorbé par ses propres combats, dut jurer au pape
Boniface que son fils aîné, prénommé aussi Édouard, épouserait la fille de
Philippe, Isabelle, qui n'était encore qu'une très jeune enfant. En même temps,
Édouard d'Angleterre, veuf, accepta de s'unir avec la sœur de Philippe,
Marguerite, femme pâle et effacée. Cette alliance eut lieu, un traité fut signé
et la Gascogne fut rendue à l'Angleterre. Mais Édouard d'Angleterre ne voulait
point que celui qu'il appelait son prince de Galles, son héritier présomptif,
se marie avec une princesse française. Savez-vous pourquoi ?
    Je fis un signe de dénégation.
    — Philippe de France rêve
d'autre chose, expliqua Simon à voix basse. Il aspire à devenir un jour un
nouveau Charlemagne. Il a trois fils, Louis, Philippe et Charles. Il les a mariés,
ou a l'intention de les marier, aux héritières de Bourgogne afin que cette
riche terre revienne dans le fief de la Couronne de France. Il en va de même
pour la Gascogne. Dans le traité d'épousailles, Philippe a stipulé qu'un de ses
petits-fils devrait s'asseoir sur le trône d'Édouard le Confesseur à
Westminster et qu'un autre deviendrait duc de Gascogne. Vous voyez le
plan : tôt ou tard, et tôt de préférence, la Gascogne repassera sous la
férule de Philippe qui, en même temps, aura sous sa coupe son petit-fils,
l'héritier d'Angleterre, parce que tout fruit de l'union d'Édouard et
d'Isabelle sera son parent.
    Simon souligna ses propos d'un
grand geste.
    — Pierre Dubois, un des
juristes de Philippe, a imaginé l'avenir du royaume de France comme celui d'un pays
aux frontières naturelles : la mer à l'ouest, les montagnes au sud, le
Rhin à l'est.
    — Et les principautés du
Nord ?

Weitere Kostenlose Bücher