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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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étaient déjà réunies sur les marches. Quelque part,
tout près, un petit gueux entonna La Mort de vie *, un chant funèbre, ce
qui ne fit qu'accroître mon accablement.
    La populace augmentait ; les
gens, de plus en plus nombreux, désireux d'assister à ce qui allait se passer,
envahissaient la rue. Une sonnerie de trompette, suivie de sinistres roulements
de tambours, déchira l'air matinal. Je tendis le cou pour voir par-dessus
l'épaule des gardes. Les hérauts vêtus de tabars bleu et or surgirent les
premiers, trompettes claironnant et tambours battant ; derrière eux
venaient des rangées d'hommes d'armes aux casques d'acier luisants. Ils étaient
suivis par une compagnie d'archers qui précédaient le bourreau et ses aides en
tuniques de cuir noir et masques rouges dissimulant leur visage. Le tombereau
dans lequel ceux-ci avaient pris place était empli de leurs instruments de
torture, de chaînes, d'échelles, de cordes, destinées à pendre leurs victimes.
Dans une autre charrette, six silhouettes grises se blottissaient. J'avais du
mal à respirer, mon cœur battait à tout rompre et j'étais en proie à des
haut-le-cœur. J'allais vomir. Je savais bien qui était dans ce chariot !
Il approchait lentement en brinquebalant. Un bourreau au masque rouge qui ne
cessait de faire claquer son fouet dans l'air guidait les bœufs qui le
tiraient. La charrette passa devant nous. Je me faufilai entre les gardes et,
comme les autres, agrippai un côté du tombereau comme si je voulais examiner le
visage d'hommes qui allaient mourir. Ils se ressemblaient tous, avec leurs
robes sales, leurs pieds nus, leurs figures qui n'étaient plus que blessures,
contusions, zébrures et ecchymoses, leurs barbes et leurs cheveux
embroussaillés. Ils empestaient la prison, la crasse et la fange dans
lesquelles ils s'étaient morfondus pendant des semaines.
    — Messire, soufflai-je.
    Un des captifs leva la tête et je
plongeai mes yeux dans les yeux éteints d'oncle Réginald. Son nez était
étrangement tordu et enflé ; il avait à la joue droite une meurtrissure
violacée et gonflée.
    — Mon oncle, murmurai-je.
    Il hocha la tête.
    — Mienne est la vengeance,
dit le Seigneur. Souviens-toi, Mathilde : la vengeance est sienne,
siffla-t-il.
    Je sentis la puanteur qui émanait
de son corps puis, avec une force surprenante, il me repoussa comme si j'étais
un bourreau. Je reculai en vacillant. Messire Simon me prit par le bras et
m'écarta. Je regardai les tombereaux s'arrêter au pied du gibet de Montfaucon
dressé, sinistre, au-dessus d'une profonde fosse. Les exécuteurs grimpèrent
avec agilité sur les échelles. Ils attachèrent les cordes et laissèrent pendre
les nœuds. Quand ce fut prêt, ils firent descendre les prisonniers sans
ménagement et les contraignirent à monter aux échelles. Puis ils enlevèrent ces
dernières et les corps se balancèrent dans l'air, pendant que les victimes,
étranglées, cherchaient en vain à respirer. J'étais glacée, tout mon sang,
toutes mes humeurs me semblaient avoir gelé. Je ne peux me souvenir comment
mourut mon oncle. Je ne vis que six hommes ballant cette danse macabre *
avant de s'immobiliser, tête penchée, pieds frémissant, au moment où la mort
leur apporta le réconfort de la délivrance.
    Messire Simon m'entraîna et me
poussa devant lui à travers les rues jusqu'à sa demeure. Quand nous fûmes
rendus, il me conduisit dans son confortable solar. Les murs étaient ornés de
tapisseries et de tableaux ; d'épais tapis de Turquie recouvraient le
plancher brillant de cire, et un feu rugissait dans l'âtre. Il me fit asseoir
sur un tabouret, m'apporta une coupe de posset puis, hochant la tête et
grommelant, il prit place près de moi. Je laissai la chaleur m'envahir tout en
m'efforçant de maîtriser la colère qui bouillonnait en moi.
    — Pourquoi ?
interrogeai-je.
    — Je vous l'ai déjà expliqué.
Philippe de France convoite les richesses des templiers. Les chevaliers, quant
à eux, ne l'intéressent pas. Ils sont tous accusés de sorcellerie, de sodomie,
d'idolâtrie et de crimes dont je n'ai même jamais entendu parler !
    Il me permit de rester près de la
cheminée presque toute la matinée. Tout ce dont je me souviens, c'est d'avoir
contemplé le triptyque sur le mur célébrant le martyre et la gloire de sainte
Agnès. C'est étrange, n'est-ce pas, de voir comment Dieu accomplit ses desseins
secrets ? Je devais revoir ce tableau à l'endroit où je

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