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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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ne savez pas dans
quelle langue je parle. Eh bien, c'est un langage que seules Marie et moi
pouvons comprendre.
    — Depuis combien de temps
est-elle avec vous ?
    — Oh, aussi loin que je m'en
souvienne. Vous ai-je dit pourquoi mes frères et mon père me craignent ?
Cela fait deux ans que mes frères viennent dans ma chambre. Oh oui !
    Elle me poussa du coude en guise
de plaisanterie.
    — Ils se glissent entre les
draps et me caressent ; même mon père, quand il m'embrasse, met ses mains
là où il ne devrait pas. Je le sais, Mathilde, grâce à Ursula. C'était une
vieille dame d'honneur du pays de ma mère, la peau mate, le caractère revêche,
mais elle voyait tout et n'avait pas peur de dire ce qu'elle pensait.
    — Et que lui est-il
arrivé ?
    — Elle a protesté. Elle a
désapprouvé ce dont elle avait été témoin et s'est fâchée contre mon frère
Louis. Quoi qu'il en soit, expliqua-t-elle en haussant les épaules, une semaine
plus tard Ursula est tombée dans l'escalier et s'est rompu le col. On l'a
enterrée dans le carré des indigents du cimetière, celui où on met les soldats,
car personne n'a réclamé son corps. Elle n'avait point de parents ici.
    Les deux gardes étaient toujours
blottis dans leur coin, absorbés dans leur conversation, sans plus se soucier
ni de moi ni de la princesse sur laquelle ils étaient censés veiller.
    — Oui, ils ont peur, répéta
Isabelle. Ils ne veulent pas que je narre à Édouard ce qui s'est passé.
Pouvez-vous imaginer, Mathilde, ce qui arriverait si le nouveau roi
d'Angleterre, ce vaillant soldat, découvrait que j'ai partagé mon lit avec mes
propres frères et que nous nous y sommes livrés à des culbutes galantes ?
Il serait furieux. Il écrirait au Saint-Père en Avignon. J'ai juré à mon père
et à mes frères de garder le silence là-dessus, à condition d'être libre de
certains choix ; l'un d'entre eux vous concerne, Mathilde. Vous dormirez
sur le seuil de ma chambre.
    Elle se leva et me fourra dans les
mains le petit pot chaud qu'elle retira de sous sa mante.
    — Réchauffez-vous et
suivez-moi.
    Nous entrâmes dans le palais et
prîmes l'escalier. L'appartement de la princesse se trouvait dans une courte
galerie. Il comprenait trois pièces en tout : une chambre principale,
flanquée d'une antichambre et d'une garde-robe. La galerie était de bois
ciré ; l'un des murs était lambrissé ; contre l'autre, qui donnait
sur la cour à la fontaine, on avait aménagé de profonds coussièges. Des dames
d'honneur y avaient pris place. Emmitouflées pour lutter contre le froid et se
réchauffant près de braseros, elles faisaient mine de s'intéresser à leur
broderie, mais, bien sûr, elles ne nous avaient pas quittées des yeux un seul
instant. Elles se levèrent à l'arrivée de la princesse. L'une s'approcha en
hâte et lui prit la main, en poussant les hauts cris parce que sa maîtresse
était glacée. Cette dernière ignora la remarque et les renvoya. Elle entra d'un
pas décidé dans sa chambre où je la suivis.
    — Fermez l'huis, lança-t-elle
par-dessus son épaule. Je posai la chaufferette et m'empressai de lui obéir.
    — Tirez les verrous en haut
et en bas, continua-t-elle. Ainsi nous ne serons point dérangées.
    Je m'exécutai. Isabelle se
retourna, ouvrit le fer-mail de sa mante et la laissa tomber au sol. Elle
portait un bliaud de laine rouge sang bordé d'hermine qu'une cordelette
d'argent fermait au cou. Avant que j'aie pu protester, elle la desserra, fit
passer l'habit par-dessus ses épaules et le laissa choir à ses pieds. Puis elle
ôta sa chemise et ses vêtements de dessous et se retrouva nue devant moi. Elle
avait le corps d'une jeune femme, seins déjà épanouis, hanches s'élargissant.
Elle se tourna et écarta les bras, les mains ouvertes.
    — Demoiselle Mathilde, voici
ce que j'apporterai à Édouard d'Angleterre. Allons, il est temps de nous
réchauffer.
    Elle remit sa lingerie de laine,
passa rapidement une tunique bleu et argent, décrocha d'une patère une pelisse
qu'elle drapa sur ses épaules. Son comportement m'embarrassait à tel point que
je me mis à examiner la pièce, les courtines, les tapis de Turquie, les
tentures aux vives couleurs et les tapisseries posées contre le plâtre rose des
murs. Au-dessus de ma tête pendait un chandelier de bois ; il était garni
de six chandelles et, grâce à une corde, on pouvait l'abaisser pour avoir
davantage de lumière. En face se trouvaient une

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