Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
Vom Netzwerk:
se penchait en
avant en tendant son gobelet au-dessus de la table.
    — Messeigneurs, déclara
Marigny qui avait sans doute remarqué le regard de son maître, nous devons en
revenir au fâcheux sujet des templiers, hérétiques, sodomites...
    — Ce n'est pas prouvé,
regimba Pourte avec force, ce n'est pas prouvé, messire. Cela relève de notre
souverain et des juges du Banc du roi à Westminster.
    — Mais ce sont des
criminels ! rétorqua Marigny d'une voix haut perchée.
    J'écoutai ce démon incarné cracher
son venin. Cent trente-quatre templiers sur cent trente-huit avaient été
arrêtés à Paris, et, parmi eux, le grand maître, Jacques de Molay, Geoffrey de
Charney, le commandeur de Normandie, et Jean du Tour, trésorier du temple de
Paris, sans parler des laboureurs, des bergers, des forgerons, des charpentiers
et des serviteurs au nombre de mille cinq cents qui avaient été envoyés dans
des cachots puants ou dans des salles de torture. Dans l'ensemble, ils avaient
avoué. J'ouïs aussi les noms des traîtres, d'anciens templiers expulsés de
l'ordre, des hommes auxquels oncle Réginald avait fait allusion en sirotant un
gobelet de vin avec des amis : Esquin de Floriens, prieur de Montfaucon,
et Bernard Pelet, noms qui seront à jamais entachés de l'opprobre attachée à
ces accusations, ces calomnies vomies par des âmes vicieuses. J'entendis que
les templiers se vouaient au diable, qu'ils proclamaient que le Christ était un
faux prophète, puni en toute justice pour ses péchés, qu'on ordonnait aux
initiés de cracher, voire d'uriner, sur le crucifix et de le piétiner. Ils
devaient aussi embrasser le templier qui les recevait dans l'ordre sur la
bouche, le nombril, la croupe... et même le pénis. Marigny ajouta que les
templiers étaient des fidèles de Baphomet, le démon qui apparaissait sous la
forme d'un chat, ou d'un crâne, d'une tête à trois visages.
    Casales et Pourte, sceptiques,
faisaient des signes de dénégation. Casales me lança un bref coup d'œil mais ne
montra nul signe qu'il m'eût reconnue. Peu m'importait ; je bouillais de
rage. Je connaissais le Temple. Je voyais bien ce que ces allégations étaient
en réalité : les horribles médisances d'âmes méchantes et mesquines. Satan
et tous ses seigneurs des airs avaient surgi pour dîner dans cette pièce
fantomatique avec ses tapisseries, ses pots d'argent, ses gobelets d'or ;
ils avaient déployé leurs bannières et leurs blasons pendant que les templiers,
hommes de Dieu, étaient pourchassés et anéantis. Pourte éleva des objections et
fit référence aux rumeurs affirmant que les templiers subissaient l'estrapade
ou que, après leur avoir enduit les pieds de graisse animale, on les mettait
devant un feu rugissant jusqu'à ce que leurs os se détachent.
    — Des hommes ainsi traités,
commenta-t-il, confesseraient n'importe quoi.
    Je bus à grand bruit et détournai
les yeux. Isabelle me scrutait avec curiosité, un léger sourire aux lèvres.
Elle avait compris ! Je reposai le gobelet. Marigny orienta la
conversation vers le projet de noces de la princesse. Tous les yeux se
tournèrent vers elle. Pourte, derechef, se mit à élever des objections. Lui et
Casales étaient convaincus que ce mariage servait au mieux les intérêts de la
Couronne d'Angleterre, mais le roi ne le pensait pas. Avec adresse, Marigny fit
remarquer que les troupes françaises étaient massées aux frontières de la
Gascogne tenue par les Anglais, tandis que la guerre menaçait en Écosse contre
le redoutable Robert de Bruce. Pour le moment, Bruce était l'ennemi du roi de
France, mais, après tout, la situation pouvait changer. Casales
intervint ; les négociations avançaient et reculaient comme l'eau dans le
bief d'un moulin. Le reste de la compagnie était ignoré.
    Les fils du roi avaient beaucoup
bu et jetaient des regards langoureux à leur sœur. Isabelle s'en aperçut, me
fit un signe et se leva. Elle s'inclina devant son père qui, d'un geste, lui
indiqua qu'elle pouvait se retirer. Tous les convives se mirent debout ou se
dressèrent en titubant. Isabelle les salua et sortit à grands pas de la salle
pour regagner ses appartements. Je la suivis. Elle resta silencieuse et ne se
dérida pas même quand nous fûmes seules avec un sergent de garde dans le
couloir. J'allumai des chandelles et des lumignons puis l'aidai à se dévêtir.
Elle garda sa chemise, enfila par-dessus une mante fleurdelisée et s'installa
dans une

Weitere Kostenlose Bücher