Le camp des femmes
était plus prudent de revêtir les vêtements volés pour nos camarades dans les dernières minutes de travail. La chose la plus importante : ne pas être prise aux fouilles. En général, il y en a deux : la première en quittant le travail, sur les lieux mêmes, la seconde en arrivant au camp ; parfois une troisième fouille, plus sévère, nous était réservée dans les douches. C’est toujours l’angoisse pour les camarades qui attendent notre retour au block. Certain dimanche, je rapportais un bidon d’huile à machine, des brosses à dents et à ongles, un ou deux couteaux, des cotons à broder, on annonce une fouille sévère, devant le Kommandant du camp, aux douches. Impossible de s’échapper. Nous sommes une grosse colonne de 580, gardées par des soldats en armes. Cependant, en faisant signe à la « lagerpolizei » française, je réussis à tout passer sous le nez des Aufseherinnen. Ce fut une fête au block.
Le D r Paulette Don Zimmet a la chance de découvrir, dans un wagon en provenance de la ville polonaise de Pruskow, une caisse de médicaments.
— Immédiatement (lxix) cette caisse fut cachée et par les soins de mes camarades, les médicaments furent triés et enterrés dans le sable, dans de grands pots de grès. Cette trouvaille, inespérée, nous apportait 2 000 ampoules de cardiazol de 2 cm 3 , de l’acide acétylsalicylique, quelques boîtes de « phosphotonine » (médicament injectable contenant de l’acide phosphorique et un sel de strychnine) et quelques boîtes d’ampoules d’extrait hépatique. Ces médicaments étaient chaque soir rapportés aux blocks par quelques camarades. Nous les dissimulions dans le revers de nos chaussettes, spécialement aménagées en petits compartiments pour le transport des ampoules, car nous étions fouillées presque nues sur la place, tous les soirs : les S.S. recherchant si nous volions des lainages, que d’ailleurs nous volions toutes quotidiennement avec une régularité parfaite, pour les rapporter à nos camarades qui, en plein hiver, n’étaient habillées que de leur robe. J’avais même eu la chance de trouver un phonendoscope que j’avais rapporté au camp et que je dissimulais dans ma paillasse, de même qu’un appareil de Recklinghausen, qui me permit d’étudier la pression mais qu’en raison de sa taille je n’avais pas pu rapporter et que j’avais laissé dans le hall où je travaillais. Les ampoules de cardiazol que j’administrais à mes camarades œdémateuses par la voie buccale : une ampoule de 2 cm 3 pour tenir à l’appel du matin, firent merveille. Combien de nos camarades œdémateuses, pneumoniques, convalescentes de typhoïde, et même dysentériques durent de « tenir » les derniers mois grâce à cette miraculeuse trouvaille des ampoules de cardiazol, que nous allions distribuer à nos camarades malades ou à nos camarades médecins absolument démunies de médicaments toni-cardiaques.
— Je crois (lxx) que je n’ai jamais cassé volontairement, en déchargeant ces wagons, autant de verres de Bohême. Nous avons rapporté au camp le contenu entier d’un wagon de sous-ventrières et genouillères de laine de l’armée polonaise, ainsi que le contenu d’un énorme bidon (100 litres) d’un mélange d’huile de colza et de baleine. Nous avions mis le fût en perce et chaque soir nous rapportions un petit flacon (volé sur place). Nos camarades fatiguées buvaient cet horrible mélange avec délice. Pour fabriquer des chaussettes, nous subtilisions de merveilleuses… peaux de lapin.
PEINTURE
Une Aufseherin (lxxi) fait une demande en allemand. Violette immédiatement répond : « Ja, ja », et m’entraîne avec elle.
Je ne comprends rien, peu importe, je fais confiance à mon amie.
L’Aufseherin, nous conduit dans un hangar, nous fait prendre des seaux de peinture, des pinceaux, des échelles, puis nous fait entrer dans une baraque et donne des instructions. « Ja, ja », répond toujours Violette ! On nous enferme à clef, et Violette pouffe de rire.
— J’ai dit que nous étions artistes peintres, alors nous devons repeindre l’intérieur de cette baraque. On doit venir nous rechercher à midi ; jusque-là, personne sur le dos, c’est la planque rêvée…
— Eh bien, ça va être joli, moi qui n’ai jamais tenu un pinceau de ma vie…
— T’en fais pas, prends les seaux.
En me baissant, pour les prendre dans le coin non éclairé où je les avais
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