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Le camp des femmes

Le camp des femmes

Titel: Le camp des femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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augmenta chaque mois. En juillet 1944, je devais monter 460 manches, toujours par nuit ou par jour ; en octobre 1944, on descendit la quantité à 440, ce qui fit que j’ai dû monter plus de 150 000 manches pendant la durée de mon bagne. Si nous ne faisions pas le compte demandé, soit une panne de machine ou autre, toute l’équipe (la bande comme on disait) était punie : c’est ainsi que nous étions prises à partie par les prisonnières elles-mêmes, si une allait moins vite que les autres, car les punitions étaient toujours collectives ; battues d’abord par l’Aufseherin de l’atelier, puis par le S.S. ; nous étions punies de « pauses », une heure ou deux, ou plus debout, en rangs, bien alignées, à la porte de l’atelier, au lieu d’aller dormir. Si c’était plus grave, soit une pièce de machine cassée par accident, ceci comptait comme sabotage, soit le vol d’un morceau de tissu ou de fil, sabotage aussi, correction soignée du chef de l’atelier, par ce sauvage de « Binder », ou par cette brute de « Roslow », puis rapport au commandant, punition : deux ou trois mois de « Strafblock ».
    Depuis le milieu de l’année 1944, nous avions un supplément de nourriture se composant d’une tartine de pain et d’une rondelle de saucisse ou pâté « ersatz », distribuées normalement à midi ou à minuit, pendant notre travail, à condition toutefois que nous ayons exécuté la quantité déterminée de pièces finies à cette heure-là, sinon, nous touchions cette tartine à la fin de la journée ou de la nuit si le compte était atteint, sinon, elle nous était supprimée ou distribuée à une autre équipe.
    Les camarades qui étaient à la confection des uniformes S.S. étaient encore plus malheureuses que nous ; les chefs d’atelier étaient aussi difficiles pour les uniformes militaires que pour les uniformes des prisonniers, mais le travail des premiers était plus difficile que pour les autres.
    J’ai vu des femmes frappées par les hommes d’une façon barbare, à coups de bottes, de poings, de tabourets, cinglées au visage avec des culottes, des vestes. Il fallait surtout éviter de tomber. De bien loin les Françaises ont eu plus de cran que les autres prisonnières sous les coups de ces sales Boches ; les Françaises ne pleuraient pas, même si elles souffraient sous les coups reçus : elles pâlissaient de rage et de douleur, mais serraient les dents et les poings au lieu de pleurer.
    J’ai vu dans les ateliers le furieux « Roslow » frapper une Polonaise qu’il avait appelée au contrôle des pantalons pour prisonniers, elle n’avait pas réussi les poches ; il la frappa en pleine figure, si fort qu’elle eut une hémorragie nasale, on aurait cru sa robe teinte en rouge ; elle perdit connaissance et s’affaissa, il crut qu’elle jouait la comédie, la prit par le bras pour qu’elle se relève. Elle retomba. Il fit chercher un seau d’eau froide. La femme de service n’osa le verser. Il prit lui-même le seau et le déversa sur la Polonaise. Elle revint à elle. Il partit pâle de rage. La chef la fit conduire au « Revier », on lui mit un tampon noué autour de la tête, il était environ 16 heures ½. Elle regagna son block. Le lendemain matin, elle revint au travail. Roslow arriva très tôt et fila directement près de sa machine, regarda le travail, lui reprocha d’avoir été se faire panser «… quand on travaille si mal…» et lui administra une paire de gifles. L’hémorragie reprit. Il lui défendit d’aller se laver…
    L’atelier n° 1 était bien pire. Il employait 700 femmes au minimum en grande partie pour les équipements militaires S.S., pantalons, vestes, manteaux, vestes et culottes de camouflage, gants. Deux chefs à l’atelier en permanence et des S.S. secondaires contrôlant deux bandes chacun, en plus des Aufseherinnen qui avaient le droit de vue dans tout l’atelier. Elles tapaient selon leur bon plaisir. La vie pendant un certain temps n’était que transes du matin au soir.
    — Au début (lxxiv) de l’été, j’entrai au « Betrieb » , échappant ainsi au « sable »… C’était un minimum d’espace vital assuré, enfin ne plus manger bousculée par la cohue, échapper à l’angoisse des transports. Mon nouveau métier était celui d’une chiffonnière : découper des vêtements militaires, sales, poussiéreux, sanguinolents et pouilleux, parfois pire encore (lxxv) , le peu de

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