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Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matthew Pearl
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saluait en ricanant, l’air de dire : Je serai toujours là pour vous rappeler votre échec. Vous n’avez jamais été obligé de vous battre pour quoi que ce soit, Lowell.
    « Mais ce n’est pas vous, Bachi ! »
    Et en même temps qu’il marmonnait ces mots, l’idée lui traversa l’esprit que s’il avait été moins convaincu de la culpabilité du répétiteur, ses amis et lui auraient peut-être découvert le meurtrier à cette heure. Peut-être Phineas Jennison vivrait-il encore ? À cet instant précis, alors qu’il s’était arrêté près d’une échoppe, il aperçut un peu plus loin un manteau et un haut-de-forme en soie d’un blanc étincelant qui s’éloignaient d’un pas martial, scandé par une canne à pommeau d’or.
    Phineas Jennison !
    Lowell se frotta les yeux, conscient d’être dans un état de confusion qui le prédisposait aux mirages. Pourtant, là-bas, Phineas Jennison venait de bousculer quelqu’un sur le trottoir, et les autres passants s’écartaient en lui jetant des regards étranges.
    Jennison était vivant… !
    Il voulut crier. Sa gorge était sèche. La vision l’incitait à se précipiter, en même temps qu’elle lui ligotait les jambes.
    « Hé ! Jennison ! »
    La voix lui était revenue avec sa force habituelle. Ses yeux s’embuèrent de larmes.
    « Phinny, Phinny, je suis là, ici ! C’est moi, Jemmy Lowell. Vous voyez, je ne vous ai pas perdu ! »
    S’élançant au milieu des piétons, il attrapa le prince des marchands par l’épaule et le força à se retourner. Hélas, un double cruel se dressa devant lui. Oh, il portait bien le chapeau et la redingote sur mesure de Phineas Jennison, et il avait à la main sa superbe canne de marche, mais l’homme qui se débattait sous son emprise était un vieillard crasseux, avec une barbe de plusieurs jours et un gilet en lambeaux.
    « Jennison !
    — Me livrez pas à la police, monsieur. Fallait bien que je me réchauffe… »
    Et d’expliquer que c’était lui, le vagabond qui avait découvert le cadavre dans le fort abandonné, après s’être enfui à la nage de l’asile installé sur l’île voisine. Ces beaux vêtements, il les avait trouvés bien pliés et empilés à même le sol dans l’entrepôt où le corps était pendu. Il n’avait pris que ceux-là.
    À ces mots, Lowell ressentit à nouveau la douleur atroce causée par cette unique larve grignotant ses chairs. Il eut l’impression qu’elle avait laissé en lui un trou d’où s’écoulaient à présent ses ultimes réserves de courage.
     
    Un bâillon de neige réduisait le Yard au silence. Lowell parcourut le campus d’un bout à l’autre à la recherche d’Edward Sheldon. Jeudi dans la soirée, après l’avoir aperçu en compagnie du fantôme en gilet à carreaux, il lui avait envoyé un mot lui demandant de venir sur-le-champ à Elmwood. Le jeune homme n’avait pas donné signe de vie. Des étudiants lui dirent qu’ils ne l’avaient pas vu depuis plusieurs jours. D’autres, le croisant en chemin, lui rappelèrent qu’il avait cours. C’est vrai qu’il était en retard. Il se hâta vers University Hall où l’ancienne chapelle du collège lui avait été affectée pour ses cours magistraux.
    « Mes sieurs et frères dans l’étude… »
    Ce fut par cette formule consacrée qu’il salua son auditoire. Ses étudiants y répondirent par des rires devenus rituels. Mes frères dans le péché…, disaient au début de leurs sermons les pasteurs congrégationalistes {32} de son enfance – son père, notamment, et aussi celui du Dr Holmes. Pour un enfant, c’était la voix de Dieu lui-même. Frères dans le péché… Rien n’avait jamais ébranlé la piété sincère du père de Lowell, ni sa confiance en un Dieu dont il partageait la puissance.
    Quant au fils, arrivé aujourd’hui au tiers de son cours sur Don Quichotte, il se surprit à prononcer tout haut : « Suis-je l’homme qu’il faut pour guider une jeunesse naïve ? Sûrement pas ! » Et de spéculer par-devers lui : « Enseigner n’est pas non plus bon pour moi. Ça détrempe ma poudre à fusil, pour autant que j’en aie. Et lorsque mon esprit parvient à s’embraser, il ne fait que grésiller en dégageant de la fumée au lieu de bondir vers la première étincelle. »
    À cette pensée, il trébucha et serait tombé de l’estrade si deux étudiants inquiets ne l’avaient rattrapé. D’un pas vacillant, il alla à la fenêtre et,

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