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Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matthew Pearl
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aider. »
    Rey examina le paquet. Il n’avait pas lu un livre depuis le début de la guerre. Jadis, il s’était jeté dans la lecture avec une avidité alarmante, surtout après la mort de ses parents adoptifs et de leurs filles. Il avait lu des histoires et des biographies, même des romans d’amour. Mais, à présent, la seule idée qu’on pût écrire un livre lui semblait pleine d’arrogance. Il préférait lire les journaux et les pamphlets. Les sujets traités ne risquaient pas de prendre le pas sur ses propres pensées.
    « Père semble dur parfois, je sais qu’il peut donner cette impression. Il a connu bien des difficultés dans sa vie – dedans comme dehors. Il vit dans la crainte de ne plus pouvoir écrire. Personnellement, je ne pense jamais à lui comme à un poète, uniquement comme à un père.
    — Vous n’avez pas à vous inquiéter pour M. Lowell.
    — Alors, vous l’aiderez ? demanda-t-elle en posant la main sur son bras. De mon côté, y a-t-il une chose que je puisse faire ? N’importe quoi, du moment que cela protège mon père. »
    Rey garda le silence. Les passants jetaient des regards en coin au couple qu’ils formaient. Le remarquant, il détourna les yeux. Mabel sourit tristement et recula à l’autre bout du banc.
    « Je comprends. Vous pensez, comme lui, qu’on ne peut pas me faire confiance quand il y va de choses graves. Je ne sais pourquoi, j’avais imaginé que vous seriez différent. »
    Pendant un moment, Rey fut incapable de répondre. Ce dépit qu’éprouvait la jeune fille, il le connaissait trop bien.
    « Mademoiselle Lowell, dit-il enfin, c’est une affaire dont il vaut mieux ne pas se mêler, si on a le choix.
    — Eh bien, justement, ce choix m’est donné ! »
    Sur ce, elle rabaissa sa voilette et se dirigea vers la station d’omnibus.
     
    Le professeur George Ticknor, vieil homme sur son déclin, pria son épouse de faire entrer le visiteur. L’ordre s’accompagna d’un sourire étrange sur ce grand visage aux traits singuliers. Jadis noirs, ses cheveux qui balayaient ses épaules et ses favoris en côtelette étaient maintenant gris, et le sommet de son crâne présentait une navrante désertification. De son nez, Hawthorne avait dit autrefois qu’il était l’antithèse de l’aquilin, entre le bouton de porte et le museau de carlin.
    Le professeur n’avait pas reçu en partage une grande imagination et s’en trouvait bien aise : cela le protégeait des divagations humaines comme celles qu’il avait vues s’emparer de ses collègues en écriture au temps des réformes, quand Boston croyait que tout allait changer. Curieusement, dans les bras de son valet qui l’aidait à s’extraire de son fauteuil, il s’imagina dans ceux de son petit George. Oui, son petit garçon serait devenu aussi fort et solide s’il n’était pas mort à l’âge de cinq ans. À trente ans de distance, Ticknor éprouvait toujours de la tristesse, une grande tristesse, à ne plus voir le sourire lumineux de l’enfant, à ne plus être seulement capable d’entendre sa voix joyeuse résonner dans sa tête. Il lui arrivait encore de se retourner, le croyant entré dans la pièce, ou de tendre l’oreille à de petits pas légers, mais ce n’étaient jamais les siens.
    Longfellow entra dans la bibliothèque, portant timidement un sac fermé par un cordon à franges dorées.
    « Je vous en prie, professeur, ne vous levez pas ! » dit-il avec insistance.
    Ticknor lui offrit des cigares. À en juger d’après les craquelures de leur enveloppe, il devait les proposer à ses invités depuis des lustres sans rencontrer d’amateur.
    « Qu’avez-vous donc là, mon cher monsieur Longfellow ? »
    Le visiteur déposa le petit sac sur le bureau.
    « Quelque chose dont vous apprécierez la vue plus que quiconque au monde, je crois. »
    Ticknor leva vers lui des yeux emplis d’attente. Ceux de Longfellow étaient indéchiffrables.
    « J’ai reçu cela d’Italie ce matin. Voici le mot qui l’accompagnait. Lisez. »
    La lettre, expédiée par un certain George Marsh, assurait Longfellow que le comité chargé d’organiser les festivités pour le six centième anniversaire de Dante à Florence se ferait un plaisir d’accepter sa traduction de L’Enfer.
    « “Le duc de Caietani et le Comité voient dans la première transposition de ce grand poème en américain une contribution des plus opportunes au regard de la solennité de l’événement. Ils

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