Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matthew Pearl
Vom Netzwerk:
c’est tout. Le monde entier se battait, pris de rage contre lui-même, et le boucan ne cessait jamais. De toute façon, Galvin pouvait à peine distinguer les rebelles des Yankees. Deux jours plus tôt, il s’était frotté par mégarde contre une plante vénéneuse et, la veille au soir, ses yeux ne s’ouvraient presque plus. Les hommes s’étaient moqués de lui : ce Benjamin Galvin qui s’était battu jusque-là comme un tigre sans recevoir une égratignure, quand tout autour les autres avaient les yeux arrachés et le crâne fendu, voilà qu’un petit bobo le mettait sur le flanc ! Ce même jour, un soldat, qui plus tard serait enfermé à l’asile, avait pointé son fusil sur lui et menacé de l’abattre sur place s’il n’arrêtait pas dans la seconde de mastiquer ses bouts de papier.
    À sa première blessure, une balle dans la poitrine, Galvin fut renvoyé à Boston et affecté à la garde du fort Warren où étaient enfermés les prisonniers. Ceux qui avaient de l’argent avaient le droit d’occuper des cellules plus confortables et de recevoir de la nourriture acceptable, indépendamment de leur culpabilité ou du nombre de gens qu’ils avaient tués injustement. Il y resta en poste jusqu’à son complet rétablissement.
    Harriet le supplia de ne pas retourner à la guerre. Il répondit que ses camarades avaient besoin de lui. Quand il rejoignit enfin sa compagnie C en Virginie, le régiment avait subi tant de pertes par mort ou par désertion qu’il fut nommé d’office sous-lieutenant.
    De nouvelles recrues lui apprirent que des jeunes gens fortunés payaient trois cents dollars pour être exemptés du service. La colère le souleva. Il était désespéré, il ne dormait plus que quelques minutes par nuit. À la bataille suivante, il se laissa tomber parmi les morts et s’endormit en pensant à tous ces richards. La nuit, il fut ramassé par des rebelles venus récupérer leurs morts et conduit à Richmond, à la prison Libby. Les simples soldats, ils les laissaient partir, mais Galvin était sous-lieutenant. De ses quatre mois passés en prison, il ne garda qu’un vague souvenir d’images et de bruits – comme s’il n’avait fait que dormir et rêver.
    Réexpédié à Boston après sa libération, Benjamin Galvin fut honoré avec ce qui restait de son régiment au cours d’une grande cérémonie devant la Chambre d’État. Le drapeau en lambeaux de sa compagnie fut plié et offert au gouverneur. Des mille soldats qu’elle comptait au départ, il ne restait que deux cents hommes. Mais Galvin s’interrogeait : en vertu de quoi considérait-on la guerre achevée ? La cause pour laquelle ils s’étaient battus était loin d’être reconnue. Si des esclaves avaient été libérés, l’ennemi n’avait pas pour autant modifié son comportement. Surtout, il n’avait pas été puni. Galvin avait beau ne pas être versé en politique, il pressentait que les nègres ne connaîtraient jamais la paix dans le Sud, esclavage ou pas. Il savait aussi des choses qu’ignoraient ceux qui n’avaient pas fait la guerre : notamment que l’ennemi ne s’était pas le moins du monde rendu ; il rôdait toujours. Et cet ennemi, ce n’étaient pas les seuls gens du Sud. Ça ne l’avait jamais été. À aucun moment !
    Désormais, il avait l’impression de parler une langue que les civils ne comprenaient pas, qu’ils n’entendaient même pas. Seuls, ses camarades assourdis par le bruit des canons et des explosions, avaient l’ouïe assez fine pour ça. Il commença donc à les fréquenter. Ils étaient blafards, épuisés, comme les traînards qu’il avait vus dans les bois pendant la guerre. Beaucoup avaient perdu travail et famille et répétaient à l’envi qu’ils auraient mieux fait de mourir au combat. Au moins, leur femme aurait touché la pension. Ils vagabondaient en bandes, toujours en quête d’argent ou d’une jolie fille. Ils se saoulaient et se bagarraient à mort. Oublié le devoir de surveiller l’ennemi ! Ils étaient devenus aveugles, comme les autres.
    Quand il déambulait dans les rues, Galvin avait souvent l’impression d’être suivi. Il s’arrêtait alors et se retournait d’un coup, les yeux écarquillés, le regard empli d’épouvante, mais l’ennemi s’était fondu dans la foule ou avait disparu à un coin de rue. Le Diable est fou furieux mais, moi, je suis heureux.
    La plupart du temps, il dormait avec une hache sous l’oreiller. Une fois,

Weitere Kostenlose Bücher