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Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matthew Pearl
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pendant un orage, il réveilla Harriet et la menaça de son fusil, l’accusant d’être un espion rebelle. La même nuit, il sortit dans la cour sous la pluie en grand uniforme et monta la garde jusqu’au petit matin. À d’autres moments, il enfermait sa femme à clef dans une chambre et restait devant la porte, prétendant qu’on voulait l’enlever. Pour payer leurs dettes, elle dut prendre un emploi de blanchisseuse. Elle le pressa d’aller consulter un médecin. Celui-ci expliqua qu’il avait le cœur du soldat : des palpitations trop rapides, séquelles de la guerre. En bavardant avec d’autres épouses, elle comprit qu’il existait des foyers où l’on s’occupait des soldats à l’esprit dérangé. Elle parvint à convaincre Benjamin de s’y rendre. Là-bas, Galvin entendit prêcher George Washington Greene. Il sentit alors pénétrer en lui le premier rayon de lumière depuis des années.
    Greene parlait d’un homme, loin, très loin, qui comprenait. Il s’appelait Dante Alighieri. Il avait été soldat, lui aussi, victime d’une longue guerre qui avait déchiré sa ville. Plus tard, il lui avait été ordonné de voyager dans l’au-delà afin de remettre l’humanité sur la bonne voie. Ah, que de choses étonnantes avait-il vues là-bas ! Un incroyable ordonnancement de la vie et de la mort. En Enfer, le carnage n’était jamais fortuit. Le moindre pécheur méritait divinement le supplice que Dieu, dans son amour, avait créé en châtiment de son péché. Ah, quelle perfection que ces contrapasso, comme disait le révérend Greene ! Tous, ils correspondaient exactement au péché que l’homme ou la femme avaient commis sur terre ; et ils perduraient jusqu’au jour du Jugement dernier !
    Galvin comprenait que Dante eût été pris de colère contre les hommes de sa ville, amis ou ennemis, qui ne reconnaissaient que le matériel et le tangible, le plaisir et l’argent, sans penser qu’un tribunal les attendait. Benjamin Galvin s’intéressait de plus en plus aux sermons hebdomadaires du révérend Greene, il ne pouvait s’en rassasier, il ne pouvait les chasser de sa tête. Chaque fois qu’il quittait la chapelle, il se sentait grandi de deux pieds.
    Ses compagnons aussi semblaient apprécier les prêches, mais Galvin voyait bien qu’ils ne les comprenaient pas comme lui. Un après-midi, alors qu’il était resté dans la chapelle après le sermon à dévorer des yeux le révérend Greene, il surprit une conversation entre le pasteur et un officier à la moustache blonde en forme de guidon.
    « Monsieur Greene, puis-je vous dire que j’ai grandement apprécié le discours d’aujourd’hui, disait le capitaine Dexter Blight. Où pourraisje lire, je vous prie, des choses sur le voyage de Dante ? »
    L’homme de Dieu avait demandé au soldat s’il savait l’italien puis, la réponse étant non, il avait ajouté :
    « Eh bien, vous trouverez très bientôt ce poème dans notre langue, mon cher jeune homme, et avec tous les détails que vous pouvez souhaiter ! Voyez-vous, M. Longfellow, de Cambridge, est en train d’en effectuer la traduction en anglais – non, la transformation, devrais-je dire. Chaque semaine, le cercle des Amis de Dante qu’il a fondé, et dont je me considère très humblement comme l’un des membres, tient chez lui une sorte de réunion du conseil. Dès l’an prochain, vous pourrez commander le livre à votre libraire, mon bon. C’est l’incomparable maison Ticknor et Fields qui le publiera ! »
    Longfellow… ce Longfellow, dont Harriet lui avait lu l’œuvre en entier, était en rapport avec Dante ! Cela lui parut tout naturel.
    « Ticknor et Fields ? » demanda-t-il à un sergent de ville, et celui-ci le dirigea vers une énorme bâtisse, au coin de Tremont Street et de Hamilton Place.
    La salle d’exposition, qui mesurait bien quatre-vingts pieds de long sur trente de large, avait des lambris, des colonnes et des comptoirs sculptés en pin d’Orégon. Et tout ce bois verni étincelait sous des lustres géants. Au fond de la salle, sous une arche élégante, étaient présentés les ouvrages les plus précieux de Ticknor et Fields, ceux qui avaient des dos bleu et or, ou encore chocolat. À côté, une vitrine regroupait les derniers numéros des journaux que publiait la maison.
    Ces nouveaux bureaux avaient ouvert leurs portes depuis quelques jours seulement. Il y était entré avec le vague espoir de tomber sur Dante en chair

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