Le cercle de Dante
l’Union Calvary s’abreuvait à l’eau du caniveau.
Il pleuvait maintenant – une pluie du soir, une pluie douce et chrétienne. Cela avait dû causer bien du dérangement à J. T. Fields que de venir spécialement de Boston à Cambridge pour retourner ensuite à Boston, mais il avait insisté pour venir le chercher.
Holmes et Greene lui avaient laissé une place entre eux, en face de Fields et de Lowell. Longfellow grimpa dans la voiture en espérant de tout son cœur qu’on ne lui demanderait pas de prendre la parole au banquet. Si jamais il y était obligé, il remercierait ses amis de l’avoir emmené avec eux.
Note historique
En 1865, Henry Wadsworth Longfellow, premier poète américain à atteindre véritablement à la gloire internationale, fonda un « club » consacré à la traduction de Dante dans sa maison de Cambridge, dans le Massachusetts. Le poète James Russell Lowell, le Dr Oliver Wendell Holmes, poète et professeur de médecine, l’historien George Washington Greene et l’éditeur James T. Fields lui prêtèrent leur concours pour mener à terme ce qui serait la première traduction intégrale de La Divine Comédie de Dante par un Américain. Dans leur tâche, les érudits durent affronter deux types d’opposition : d’un côté, le conservatisme littéraire du milieu universitaire qui tenait à la suprématie du grec et du latin ; de l’autre, le « nativisme culturel » qui prônait de limiter la littérature américaine aux seules œuvres nationales, mouvement soutenu par Ralph Waldo Emerson, proche du cercle de Longfellow, sans qu’il en fût le chef de file. En 1881, le Dante Club, fondé par Longfellow, prit officiellement le nom de Dante Society of America. Ses trois premiers présidents furent Longfellow, Lowell et Charles Eliot Norton.
Avant la naissance du Dante Club, La Divine Comédie était connue en Amérique de quelques intellectuels seulement, principalement par le truchement de traductions anglaises. Elle était loin d’avoir pénétré le grand public. La première publication en italien aux États-Unis, semble-t-il, vit le jour en 1867, année où parut la traduction de Longfellow. Cette concordance de date donne une idée de la rapidité avec laquelle se développa l’intérêt pour cette œuvre.
Dans les idées sur Dante qu’il prête à ses personnages, l’auteur du présent ouvrage s’est attaché à respecter la vérité historique et le sentiment des contemporains plutôt qu’à dépeindre les conceptions admises aujourd’hui.
Dans le tissu narratif comme dans les dialogues, le texte incorpore en les adaptant divers extraits d’œuvres écrites par des membres du Dante Club ou par leurs proches (poèmes, essais, romans, journaux intimes et correspondance). Pour se faire une idée du Boston, du Cambridge et du Harvard de 1865, l’auteur a personnellement visité les demeures des célébrités de l’époque et les environs. Il a consulté toutes sortes de documents, récits, cartes, Mémoires, etc. Ces comptes rendus de contemporains, notamment les Mémoires littéraires d’Annie Fields et de William Dean Howells, lui ont ouvert une fenêtre indispensable sur la façon dont les membres du groupe vivaient au quotidien. Il a puisé abondamment à ces sources tout au long du roman. Les héros, comme les personnages de second plan, lui ont été inspirés autant que possible par des personnes ayant réellement existé et qui pouvaient, de manière plausible, avoir participé aux événements décrits. Ainsi Pietro Bachi, le répétiteur d’italien renvoyé de Harvard, est imaginé à partir d’Antonio Gallenga qui fut maître d’italien à Boston dans ces mêmes années. Deux proches de Longfellow, Howells et Norton, brièvement cités dans Le Cercle des Amis de Dante, se sont révélés une mine d’informations. Leurs récits sur les activités du groupe et bien d’autres informations ont considérablement façonné le point de vue de l’auteur.
Les assassinats perpétrés en s’inspirant de l’œuvre de Dante n’ont aucune authenticité historique. Toutefois, les archives de la police et de la municipalité font état d’une nette augmentation de la criminalité en Nouvelle-Angleterre dans la période qui suivit immédiatement la fin de la guerre de Sécession. Elles font apparaître également une forte corruption et révèlent de nombreux cas d’accords secrets passés entre les détectives et les criminels. Personnage créé
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