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Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matthew Pearl
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décharnés, pour ne pas dire usés, et il fixait le poète d’un regard où brillait la lueur insatiable de l’admirateur.
    Le renom ne signifiait pas grand-chose pour Lowell. Que ses amis trouvassent un peu de valeur à ses écrits et que sa fille Mabel pût s’enorgueillir de l’avoir eu pour père quand il ne serait plus, voilà ce qui comptait pour lui. En dehors de cela, il aimait se considérer comme quelqu’un de teres atque rotundus {8} un microcosme à lui seul : auteur, public, critique et postérité, tout à la fois. Pour autant, lorsqu’il lui arrivait de sortir flâner dans Cambridge, l’âme débordant d’aspirations, les éloges des gens qu’il croisait lui réchauffaient le cœur, comme le regard indifférent d’un parfait inconnu pouvait le lui briser. Néanmoins, même dans les yeux de ceux qui le reconnaissaient, dans l’éclat opaque et stupéfait de leur prunelle, il y avait quelque chose de tout aussi douloureux pour lui, quelque chose qui lui donnait le sentiment d’être transparent, séparé des autres : le poète Lowell, une apparition.
    L’homme en gilet jaune qui l’observait, appuyé contre l’arbre, toucha le bord de son melon noir quand il passa devant lui. Embarrassé, Lowell répondit par une inclinaison de la tête, les joues frémissantes. Traversant le campus d’un pas vif, il s’en fut triompher de ses obligations du jour, sans remarquer que l’inconnu maintenait son attentive surveillance.
     
    Le Dr Holmes fit irruption dans l’amphithéâtre aux gradins pentus et son entrée fut saluée par les applaudissements de ses élèves et les martèlements de bottes habituels de ceux qui avaient les mains occupées. De brefs hourras suivirent, lancés par « ses jeunes barbares », ainsi qu’il appelait les chahuteurs regroupés sur la « Montagne » à l’instar de certains députés au temps de la Révolution française. Ici, chaque semestre, quatre fois par semaine, Holmes démontait et remontait le corps humain sous les yeux de cinquante fils éperdus d’adoration. Debout dans les entrailles de l’amphithéâtre, il ne mesurait plus le mètre soixante-cinq que lui garantissaient les talonnettes du meilleur chausseur de Boston, il était immense.
    Oliver Wendell Holmes était le seul enseignant capable de tenir en main le cours de treize heures, quand la faim et l’épuisement s’alliaient à l’air vicié pour endormir l’auditoire enfermé dans ce cube de deux étages, situé sur North Grove Street. Des collègues envieux disaient que c’était sa renommée littéraire qui lui gagnait le cœur des étudiants. En réalité, la plupart de ceux qui choisissaient la médecine au lieu du droit ou de la théologie venaient de la campagne. Et si, d’aventure, une œuvre littéraire leur était tombée sous les yeux avant leur arrivée à Boston, il y avait fort à parier que l’auteur en fût Longfellow. Cependant, il se trouvait toujours un étudiant pour mettre la main sur un exemplaire de L’Autocrate au petit déjeuner et le faire circuler parmi ses condisciples. La réputation littéraire de Holmes se répandait alors à la façon d’un ragot sensationnel. « Comment ! Vous n’avez pas lu L’Autocrate  ? » disait l’élève à ses camarades, les yeux ébahis. Mais c’était là davantage une réputation de réputation qu’une authentique renommée littéraire.
    « Aujourd’hui, déclara Holmes, nous commencerons par un sujet dont je crois pouvoir dire, mes garçons, que vous ignorez tout.  »
    Retirant le drap immaculé, il fit apparaître un cadavre de femme et leva les mains pour calmer le chahut qui en était résulté.
    « Du respect, messieurs ! Du respect pour l’humanité et la plus divine des œuvres du Seigneur ! »
    Le Dr Holmes était trop immergé dans l’océan de regards attentifs pour noter la présence d’un intrus parmi ses étudiants.
    « Oui, le corps féminin sera notre sujet du jour », poursuivit-il.
    Au premier rang, un jeune homme rougit violemment, à la plus grande joie de ses voisins. Le fait ne passa pas inaperçu du professeur.
    « Nous pouvons observer sur la personne d’Alvah Smith l’effet inhibiteur des nerfs vasomoteurs sur les artérioles, lorsque celles-ci se relâchent soudain et libèrent le sang qui va remplir les capillaires se trouvant en surface. C’est un phénomène plaisant que d’aucuns parmi vous pourront observer dès ce soir sur la joue de la jeune personne à laquelle

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