Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matthew Pearl
Vom Netzwerk:
l’a écrite en italien, la langue paysanne, et non pas en latin. Et aussi, parce qu’à l’inverse d’une tragedia tout y est bien qui finit bien, puisque, au bout du compte, le héros monte au ciel. Au lieu de s’évertuer à fabriquer un grand œuvre à partir d’éléments qui lui étaient étrangers, Dante a laissé jaillir de lui la poésie. »
    Lowell avait noté non sans plaisir l’exaspération du président, quand celui-ci avait argué :
    « Par pitié, professeur, ne trouvez-vous pas qu’il y a bien du ressentiment, bien de la malveillance à infliger des tortures impitoyables à tous ceux qui s’adonnent à l’un ou à l’autre des péchés recensés ? Imaginez aujourd’hui un homme public déclarant que la place de ses ennemis est en Enfer !
    — Mais, révérend président, je l’imagine parfaitement au contraire ! Et ne vous y trompez pas : Dante expédie dans les profondeurs ses amis aussi bien que ses ennemis, vous pouvez le dire à Augustus Manning. Une pitié sans rigueur n’est que lâche égoïsme, pure sentimentalité et rien d’autre. »
    Les membres de la Corporation de Harvard, c’est-à-dire le président et les six pieux hommes d’affaires expressément choisis en dehors de l’université, ne faisaient pas mystère de leur parti pris en faveur du latin, du grec, de l’hébreu, de l’histoire antique, des mathématiques et de la science – matières enseignées de longue date et qui s’étaient révélées très bénéfiques pour eux. Ils ne cachaient pas davantage leur conviction que les langues et la littérature modernes étaient des sujets inférieurs, des à-côtés tout juste bons à grossir les pages du catalogue de l’université. Certes, après le départ du professeur Ticknor, Longfellow avait obtenu quelques os à ronger, notamment le recrutement d’un répétiteur de langue – un brillant exilé italien du nom de Pietro Bachi – et aussi la mise en place d’un cours sur Dante. Mais, de tous les séminaires qu’il tenait, celui-ci était le moins prisé, même si certains étudiants faisaient preuve d’une ardeur appréciable, dont un certain James Russell Lowell, qui deviendrait à son tour professeur.
    Aujourd’hui, après dix années d’empoignade avec l’administration, Lowell était sur le point de voir couronnées toutes ses espérances : la découverte de Dante par l’Amérique. Oui, l’heure avait sonné. Mais un autre danger qu’un Harvard habile et uni dans la désapprobation menaçait le cercle des Amis de Dante, et ce danger-là venait de l’intérieur : la frivolité du Dr Holmes.
    Frivolité confirmée par le propre fils de l’intéressé, Oliver Wendell Holmes. Deux fois par semaine, le jeune homme quittait sa faculté de droit au moment précis où Lowell sortait d’University Hall après son cours, et il leur arrivait de se promener ensemble dans Cambridge. Un jour, Lowell lui avait demandé si son père mentionnait devant lui le cercle des Amis de Dante.
    « Oh, certainement, monsieur Lowell ! avait répondu le grand et bel étudiant avec un petit sourire narquois. Tout comme il parle du cercle Atlantique, du cercle de l’Union, du club du Samedi, du cercle des Sciences, de l’Association historique et de la Société de médecine… »
    Or les menaces qui planaient sur le cercle des Amis de Dante méritaient qu’on cessât de ménager la chèvre et le chou, comme Holmes avait tendance à le faire.
    Récemment, au cours d’un dîner du club du Samedi donné à Parker House, Lowell s’était trouvé placé à côté d’un des hommes d’affaires les plus prospères de Boston parmi tous ceux qui s’étaient nouvellement enrichis. « On dirait que Harvard recommence à vous harceler », lui avait déclaré ce Phineas Jennison, et Lowell était resté pantois qu’on pût lire son visage aussi facilement qu’un panneau d’affichage.
    « Ne sursautez pas ainsi, mon cher ami », s’était esclaffé Jennison, et sa profonde fossette au menton s’était mise à trembler.
    À en croire ses intimes, cette fossette, jointe à sa chevelure dorée, avait laissé présager dès l’enfance l’immense fortune qui serait la sienne. Fossette régalienne, donc, même si le qualificatif de régicide lui eût mieux convenu puisqu’il la tenait d’un ancêtre censé avoir décapité Charles I er .
    « Le fait est que j’ai eu l’occasion de causer avec certains membres de la Corporation, avait poursuivi

Weitere Kostenlose Bücher