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Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matthew Pearl
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quelques pages qu’il avait vaguement feuilletées n’avaient fait qu’enflammer ses blessures. Que son père eût cru possible de résumer la guerre en quelques milliers de mots lui était paru tout simplement incroyable ! Ce livre n’était qu’un ramassis d’anecdotes, dont la plupart relataient la mort de rebelles dans des lits d’hôpital ou l’étonnement des employés dans divers hôtels de province en apprenant qu’il était l’auteur de L’Autocrate au petit déjeuner.
    « Cela compte-t-il vraiment pour vous, de pouvoir vous en dire membre ? demanda le jeune homme avec un sourire narquois.
    — Je te demande pardon, Wendy ? Que veux-tu dire par là ? Et d’abord, que sais-tu seulement de nos activités ?
    —  Seulement ce que M. Lowell en dit : qu’on entend plus souvent votre voix à la salle à manger que dans le cabinet de travail. Or, pour M. Longfellow, cette tâche est toute sa vie. Pour M. Lowell, c’est sa vocation. Lui, c’est un homme qui agit selon ses croyances, voyez-vous. Qui ne se contente pas d’en parler ! Il a défendu des esclaves au temps où il était avocat. Alors que pour vous, ce cercle n’est qu’un endroit de plus où faire tinter les verres. Je me demande pourquoi ils vous supportent.
    — Est-ce que Lowell a dit…, commença le Dr Holmes. Wendy, descends ici sur-le-champ ! »
    Mais le fils avait déjà atteint le dernier étage et s’enfermait dans sa chambre.
    « Que peux-tu savoir de notre cercle des Amis de Dante ? » cria le père.
    Il resta un moment à errer dans la maison, impuissant, avant de se retirer dans son cabinet. C’était à table qu’on entendait le plus souvent sa voix, avait dit Lowell. Plus il se répétait cette phrase, plus elle lui faisait mal. Lowell se faisait mousser à ses dépens pour préserver sa place à la droite de Longfellow.
    Dans les semaines qui suivirent, Holmes écrivit avec ténacité, en une sorte de progression soutenue qui ne lui était pas naturelle. Il y a deux temps dans la création : l’instant, sibyllin, où une pensée nouvelle frappe l’auteur ; et le temps, laborieux, où il s’agit de la mettre en forme. Dans son cas, ce second temps s’accompagnait généralement d’une lourdeur persistante au niveau du front qui ne s’interrompait que par moments : quand un groupe de mots ou bien une image s’offraient à lui à l’improviste. De folles crises d’enthousiasme et d’autocongratulation s’emparaient alors de lui, au point qu’il pouvait se laisser aller à des excès de langage, voire à des enfantillages.
    De toute façon, dès qu’il travaillait de longues heures d’affilée, tout son métabolisme partait à vau-l’eau : ses pieds se mettaient à geler, sa tête à brûler, ses muscles à frémir, tant et si bien qu’il se sentait pour ainsi dire obligé de se lever. Le soir venu, il interrompait tout travail pénible avant onze heures et prenait un livre facile pour se laver l’esprit. Un trop long travail intellectuel lui procurait la même sensation de dégoût qu’un excès de nourriture. Il attribuait cela en partie au climat de Boston, usant pour les nerfs. D’ailleurs, à en croire le Dr Brown-Séquard, un collègue de Paris, les animaux saignaient beaucoup moins en Amérique qu’en Europe. N’était-ce pas surprenant ? Pour l’heure, quoi qu’il en fût, et malgré ces désagréments physiques, le Dr Holmes se sentait saisi d’une frénésie d’écriture.
     
    « Vous savez fort bien que c’est à moi qu’il revient de demander au professeur Ticknor de soutenir notre cause », déclara Holmes à Fields, un jour qu’il était passé le voir au Corner.
    — Mais qu’est-ce que c’est que ça ? s’emporta l’éditeur qui était en train de faire trois choses à la fois : lire un manuscrit, éplucher un contrat et dicter une lettre. Où sont ces accords de royalties ? »
    J. R. Osgood lui présenta une autre pile de papiers.
    « Vous êtes débordé, Fields, insistait Holmes, et vous avez encore à réfléchir au prochain numéro de l’ Atlantic. Vous devez accorder un peu de repos à votre cerveau surmené et, moi, j’ai eu Ticknor comme professeur. Je pense être le mieux placé pour lui parler de Longfellow. »
    Il y avait eu un temps, et Holmes s’en souvenait, où Boston avait été Ticknorville aux yeux du monde des lettres. Si vous n’étiez pas invité à son cercle littéraire, vous n’étiez personne. Autrefois appelé

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