Le Cercle du Phénix
partir
tranquille. Mais même si elle ne trouve pas d’époux, j’ai beaucoup travaillé et
accumulé assez d’argent pour qu’elle puisse subvenir à ses besoins après mon départ.
Elle ne manquera de rien.
Il parlait avec un tel détachement de sa mort prochaine que Cassandra en
fut révoltée. N’avait-il donc aucun égard pour les sentiments qu’elle lui
portait ? Ne se rendait-il pas compte que chaque mot qu’il prononçait la
blessait comme un coup de poignard ? Ses pires craintes se
confirmaient : Andrew ne ressentait rien pour elle, rien d’autre qu’une
fraternelle amitié. Elle était prise à son propre piège.
— Tu
ne m’aimes donc pas ? chuchota-t-elle d’un ton vibrant de désespoir.
Andrew tressaillit.
— Personne
ne t’aime autant que moi, Cassandra, tu le sais.
Il avait parlé à voix basse, comme à contrecœur.
— Alors
prouve-le-moi !
Andrew semblait écartelé entre deux désirs contradictoires. Un long
moment, il resta ainsi, déchiré et irrésolu, puis, soudain, il parut renoncer à
lutter.
— Personne
ne t’aime autant que moi, répéta-t-il fermement en se rapprochant à nouveau de
Cassandra.
La jeune femme retint son souffle. Elle leva la main et caressa les
mèches sombres d’Andrew. Une immense bouffée de tendresse l’envahit alors, et
elle éprouva la certitude d’être enfin honnête avec elle-même.
Andrew
la serra contre lui, respirant avec délice l’odeur de sa peau et de sa
chevelure. Submergée par une enivrante sensation de plénitude, Cassandra
s’abandonna de longues minutes entre ses bras avant de se dégager doucement de
son étreinte et de lui prendre la main. Ses cheveux blonds formaient un halo
doré dans la pénombre de la chambre.
— Ne perdons pas de temps,
murmura-t-elle. Nous avons tant d’années à rattraper…
*
Le surlendemain, alors que la nuit tombait sur le manoir, Jeremy, les
cheveux en bataille, fit irruption comme une tornade dans le grand salon où se
trouvaient réunis Cassandra, Nicholas et Andrew.
— Brrr…
il fait un froid de canard dehors…, lança-t-il à la cantonade en traversant la
pièce au pas de charge pour aller se réchauffer près du feu. Suis-je le
dernier ?
— Non,
Julian et Gabriel ne sont pas arrivés.
— Encore
en train de roucouler dans un coin, je suppose, commenta-t-il d’un air dégoûté.
La seule idée de ces deux-là se vautrant sans honte dans la luxure lui
soulevait le cœur.
— Pas
du tout, rétorqua sèchement Cassandra. Julian a emmené Gabriel au British
Museum.
Jeremy se laissa tomber comme une masse sur le fauteuil le plus proche et
émit un grognement désapprobateur.
— Cela
devient ridicule à la fin ! Il le traîne partout, dans les musées, les
boutiques, les salles de concert. Comme si ça pouvait l’intéresser ! Lord
Ashcroft ferait mieux de se consacrer à la traduction du parchemin de
Cylenius !
— Le
décryptage est extrêmement complexe, et il y passe déjà le plus clair de son
temps, protesta Cassandra. La tâche est d’autant plus fastidieuse que le texte
est en latin et doit être retraduit en anglais.
À ce moment, Megan entra dans la pièce, un livre à la main, et jeta un
coup d’œil suspicieux à son frère et Cassandra qui étaient assis l’un près de
l’autre sur le canapé. Elle avait flairé un changement dans la nature de leurs
relations, et cela lui déplaisait au plus haut point. Sans un mot, elle alla
s’asseoir près de la cheminée et se plongea ostensiblement dans sa lecture.
Peu
après, Julian pénétra à son tour dans le salon, la mine perplexe et le regard
troublé. Cinq paires d’yeux interrogateurs convergèrent aussitôt vers lui.
Le
lord hésita quelques instants avant de répondre à la question muette qui lui
était adressée.
— Je
m’en doutais un peu à dire vrai, déclara-t-il d’une voix lente. Certains signes
le laissaient prévoir, mais mes soupçons n’ont été confirmés qu’aujourd’hui.
Gabriel…
Indécis, il se tut.
Tous
s’étaient redressés dans leur fauteuil, haletants.
— Eh
bien quoi, Gabriel ? le pressa Jeremy avec une impatience fébrile.
— Il
n’a aucun sens de l’orientation ! laissa tomber Julian d’un air consterné.
Jamais je n’ai vu une chose pareille. Il a réussi à se perdre dans le
musée ! J’ai mis une demi-heure à le retrouver. Je crois que si je n’avais
pas été là, il serait encore en train de chercher la
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